Critique : L’Envol

Quelque part dans le Nord de la France, Juliette grandit seule avec son père, Raphaël, un soldat rescapé de la Première Guerre mondiale. Passionnée par le chant et la musique, la jeune fille solitaire fait un été la rencontre d’une magicienne qui lui promet que des voiles écarlates viendront un jour l’emmener loin de son village. Juliette ne cessera jamais de croire en la prophétie.

L’Envol
France, 2022
De Pietro Marcello

Durée : 1h40

Sortie : 11/01/2023

Note :

LA GRANDE MAGIE

Lors de notre découverte de Martin Eden, le précédent film de Pietro Marcello, nous écrivions qu’il y avait un panache certain dans l’entreprise risquée pour le cinéaste, considéré alors comme l’un des auteurs les plus singuliers et en marge de la production italienne contemporaine, d’adapter un classique de la littérature américaine. L’éventuelle crainte de voir l’auteur y perdre de son unicité fut vite démentie par la flamboyance du résultat final. En allant sur les sentiers où on ne l’attendait pas, Marcello faisait en réalité un bon de géant et on aurait eu tort de ne pas croire à ce tour de passe-passe. Or, il est à nouveau question de magie dans L’Envol. A plus d’un titre.

Marcello adapte à nouveau un matériau littéraire (une nouvelle de l’auteur russe Alexandre Grine), mais l’univers et le ton ne sont plus du tout le même. A la traversée conquérante du XXe siècle répond ici un conte merveilleux où l’on chante dans des chaumières en compagnie d’animaux. Le héros éponyme viril laisse ici place à une jeune fille amoureuse. En troquant ainsi ces « signes extérieurs de sérieux » pour un monde féminin et presque enfantin, le cinéaste prend à nouveau le risque de dérouter de nombreux admirateurs qu’il avait gagnés avec son Martin Eden faussement classique. Et à nouveau, le geste ne manque ni de panache, ni de réussite.

Tout en gardant un pied dans le réel, L’Envol est moins immédiatement centré sur les images d’archives que les précédents films du cinéaste. Le résultat s’apparente davantage à un livre d’images enchanté à la douceur romantique. Si Marcello n’a peur ni des archétypes ni des clins d’œil (dont Cendrillon de Walt Disney, une référence qu’on n’attendait pas du tout ici), il n’égare pas pour autant ses effets d’écritures qui font joliment mouche : un changement de protagoniste en cours de route, des années qui passent d’un coup en un seul champ-contrechamp, des ellipses éloquentes… Le rythme demeure langoureux, c’est là sans doute le principal défaut de L’Envol. Le film vient pourtant confirmer une nouvelle fois la place unique qu’occupe le réalisateur, quelque part entre réalisme onirique et fable chuchotée.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Gregory Coutaut

Partagez cet article