A voir en ligne | Critique : L’Exorciste selon William Friedkin

À la fois lyrique et spirituel, ce documentaire sur L’Exorciste nous plonge dans les profondeurs inexplorées de la représentation mentale de William Friedkin, mais aussi dans les arcanes du tournage du film et les mystères de la foi et du destin qui ont façonné la vie et l’œuvre du cinéaste.

L’Exorciste selon William Friedkin
Etats-Unis, 2019
De Alexandre O. Philippe

Durée : 1h45

Sortie : 08/01/2021 (en vod)

Note :

L’ŒIL DU DIABLE

On est maintenant familier du travail de passeur du documentariste Alexandre O. Philippe, doublement sélectionné à Gérardmer avec Memory – The Origins of Alien et L’Exorciste selon William Friedkin. Mais ce dernier documentaire, dévoilé à la Mostra de Venise, est certainement l’un de ses travaux les plus intéressants. D’abord par son épure : contrairement à 78/52 (consacré à Psychose et à sa scène de douche) et à Memory, L’Exorciste selon William Friedkin se concentre sur un seul interlocuteur – le chef d’orchestre William Friedkin. Cette discussion intense ne s’éparpille jamais et scanne au laser le chef d’œuvre que Friedkin a signé il y a 47 ans.

Tout ou presque y passe, comme la construction du climat très particulier du film et les questions que pose l’adaptation du roman original. Friedkin s’arrête longuement sur le mystérieux prologue en Irak, sur lequel on peut projeter fantasmes et interprétations. Le réalisateur confie à quel point cet étrange début dérangeait les « vraisemblants » qui ne comprenaient pas pourquoi le film ne démarrait pas directement dans la maison de la petite Regan. Sans trahir son mystère, Friedkin démontre bien que ce début de long métrage parvient à dire sans expliquer : une merveille pour un film fantastique et une merveille pour un film tout court.

Comme on peut s’y attendre dans un tel documentaire, Friedkin explique quelles ont été ses influences picturales (citant de nombreux peintres : Ensor, Magritte, Caravage, Rembrandt). Il se remémore les différentes et laborieuses pistes pour trouver la musique idéale. Nous raconte comment il a travaillé avec ses acteurs, comment il les a sélectionnés, comment il a obtenu (de manière parfois étonnante) ce qu’il attendait d’eux. L’Exorciste selon William Friedkin est un documentaire sur L’Exorciste, mais c’est aussi une passionnante leçon de cinéma, richement illustrée.

Si ce documentaire est passionnant, c’est également dans sa façon de ne pas toujours « documenter », et de laisser beaucoup de place aux questionnements. L’Exorciste est un film sur le mystère de la foi. Friedkin se passionne pour le mystère du destin. Et ajoute : « la vie est ambiguë, donc mes films le sont aussi ». Le cinéaste cite Fritz Lang et sa « confiance du somnambule ». On a beau se référer aux grands maîtres de la peinture, retourner dans tous les sens le script, le jeu, la musique – beaucoup d’éléments d’un chef d’œuvre peuvent être parfaitement instinctifs. « La spontanéité m’intéresse plus que la perfection », confie Friedkin, qui se situe à l’opposé de certains cinéastes d’aujourd’hui qui seraient formidables car leurs films sont « parfaits ».

Suivant cette même idée, le réalisateur ajoute : « I’m a one take guy, I don’t believe in take two ». C’est tout l’intérêt de cette discussion dense et captivante. On essore le sujet de toutes les façons possibles (et c’est épatant), mais au final son mystère demeure toujours un peu, y compris pour son créateur. Friedkin cite l’exemple du monolithe de 2001, l’odyssée de l’espace. Il y a ce qui est évident, il y a ce qui est indéchiffrable, et parfois les éléments d’un film peuvent être les deux en même temps. Une hésitation excitante qui donne envie immédiatement de se replonger dans les ombres et lumières de L’Exorciste.


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par Nicolas Bardot

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