Festival Cinéma du Réel | Critique : Le Dernier refuge

Aux portes du Sahel se dresse la Maison du Migrant, tel un refuge pour celles et ceux en route vers l’Europe ou sur le retour. Ici, ils font face à leurs propres histoires de migration. Que ressent-on, de quoi a-t-on besoin, lorsque nos rêves ont été enfouis dans le sable ou attendent d’être vécus ?

Le Dernier refuge
Mali, 2021
De Ousmane Samassékou

Durée : 1h25

Sortie : –

Note :

L’APPEL DU DÉSERT

Le tout premier plan du Dernier refuge, qui vient d’être couronné à CPH:DOX, montre une plaque plantée sur la tombe d’une toute jeune personne née en 1996. Elle est loin d’être la seule : des corps sont enterrés partout à cet endroit, souvent sans plaque, sans véritable sépulture. Un groupe d’hommes arrange des tombes, et pendant ce temps la vie continue à Gao, au Mali. La caméra de Ousmane Samassékou (lire notre entretien) filme la ville, la traverse, croise des passants, des motos, des chèvres, des maisons. Parmi celles-ci se dresse un bâtiment : une Maison du migrant qui accueille celles et ceux en partance vers l’Europe – ou de retour dans leur pays ou leurs familles.

Le bâtiment aux murs colorés recueille les craintes, la tristesse et les espoirs. « Je suis en colère depuis que je suis petite, je n’ai peur de rien » affirme une jeune fille alors qu’elle joue nonchalamment sur son téléphone. Si la Maison du migrant offre un abri et un soutien aux migrants, elle met aussi en garde : comment se prépare t-on, en partant ici ou là, à devenir un être humain de seconde zone ? Quels sont les obstacles et quels sont les dangers ? Pourquoi vaudrait-il mieux parfois rester ? Le portrait est terrible mais c’est la vie quotidienne. Avec toute ses nuances et respirations – Le Dernier refuge peut aussi être léger, lorsque l’une prend soin des cheveux de l’autre, lorsqu’on commente ensemble le catch à la télé, lorsqu’on regarde à deux des choses idiotes sur Instagram. Ousmane Samassékou ne dépeint pas qu’un bloc de violence et de dureté, et réussit à insuffler beaucoup de vie dans son film.

On liste les difficultés qui attendent les migrants – parfois jusqu’au vertige. Parmi celles-ci, il y a une épreuve bien physique et concrète : celle du désert qui borde la ville. Un horizon infini sur lequel un soleil écrasant se lève et des vents forts s’abattent. Ce sont des lignes qui s’étendent, aux couleurs contrastées, une découpe entre ciel et terre – autant d’images impressionnantes. Et sur ces images, on entend un chœur de voix. Un intervenant a traversé dit-il quatre fois le Sahara. Un autre se prépare à l’aide d’une carte sommaire dessinée au stylo à bille. Ousmane Samassékou peut filmer des lieux abandonnés, vidés de leur présence humaine, comme avalés par le désert. Mais il ne perd jamais de vue les individus et la richesse qui les constitue – la mélancolie, l’utopie, la résignation, le courage.

L’une des héroïnes fait le récit bouleversant de son histoire familiale et confie : « Je ne savais pas que je pouvais m’exprimer ainsi auprès de quelqu’un ». C’est cette chaleur humaine-là que le cinéaste saisit précieusement, avant que ses protagonistes n’enfilent leur sac à dos et s’engouffrent dans la nuit.

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par Nicolas Bardot

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