Critique : Le Déserteur

Shlomi, un soldat israélien de dix-huit ans, fuit le champ de bataille pour rejoindre sa petite amie à Tel Aviv. Errant dans une ville à la fois paranoïaque et insouciante, il finit par découvrir que l’armée, à sa recherche, est convaincue qu’il a été kidnappé… Un voyage haletant, une ode à une jeunesse qui se bat contre des idéaux qui ne sont pas les siens.

Le Déserteur
Israël, 2023
De Dani Rosenberg

Durée : 1h38

Sortie : 24/04/2024

Note :

FAST AND FURIOUS

Shlomi ne tient pas en place. Ce serait pourtant la moindre des choses puisqu’il se trouve au cœur de l’action en pleine zone de guerre, dans la bande de Gaza. Les bombes explosent autour de lui et des autres soldats adolescents qui l’entourent, et l’effet immersif est immédiat sur le spectateur qui se retrouve lui aussi plongé parmi l’action et l’urgence. Le Déserteur ne nous donne pourtant pas le temps de nous habituer à cet étouffant décor : à peine l’action du film est-elle débutée que Shlomi la fuit à grandes enjambées. Le voilà déjà qui abandonne les autres soldats et se met à courir, pour ne plus s’arrêter.

Shlomi ne tient pas en place et le voilà qui bondit littéralement au-dessus des postes de frontière, qui embarque à l’improviste dans le premier bus venu, court encore et encore, tout ça pour s’attabler comme si de rien n’était au restaurant de Tel Aviv où travaille sa fiancée. Le film entier ne tient pas non plus en place, passant en quelques minutes du film de guerre à la comédie romantique loufoque. La promesse de ce road movie piéton mais musclé est ambitieuse, et fonctionne généreusement le temps d’une première moitié ludique dont certains virages de tons peuvent évoquer les coups d’accélérateur cinglants de Nadav Lapid.

La métaphore politique de cette génération de mecs pour qui il n’existe pas de place possible dans la société israélienne en dehors de l’armée d’état ne manque pas d’intérêt. Face à un tel constat, le film pourrait se permettre d’aller encore plus loin dans l’amertume et la colère mais il devient au contraire de plus en plus difficile de rester attaché au protagoniste. S’il ressemble tout d’abord à un esprit libre au charisme irrésistible, Shlomi se révèle progressivement être aussi un pénible égoïste incapable de prendre ses responsabilités. Il y a de quoi se sentir un peu dépassé, presque frustré, par cette difficulté à savoir vers où diriger notre compassion, mais c’est peut-être finalement là encore l’un des virages inattendus de ce drôle de film.

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par Gregory Coutaut

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