Busan 2020 | Critique : La Fortaleza

Pour échapper à son alcoolisme et à la crise qui sévit au Venezuela, Roque retourne en Amazonie où il a abandonné la construction d’un camp touristique il y a des années. Alors qu’il tente de le reconstituer et de se ressaisir en faisant face à son abstinence, son grand ami de jeunesse lui tend la main en lui proposant de l’aider à extraire de l’or dans une mine illégale. Mais les rechutes permanentes de Roque l’entraînent dans un puits de plus en plus profond…

La Fortaleza
Venezuela, 2020
De Jorge Thielen Armand

Durée : 1h48

Sortie : –

Note :

PLUS GRANDIR

En espagnol, le mot fortaleza possède deux sens : la forteresse et la force intérieure. Dans les deux cas, des remparts contre l’adversité extérieure. Quand on rencontre Roque au début du film, il est pourtant dans une position des plus vulnérables. Accidenté au sens propre comme figuré, il se fait jeter de la maison de ses parents comme un ado irresponsable – alors qu’il aurait presque l’âge d’être grand-père. Roque va alors quitter la ville pour la jungle, afin de retrouver les ruines d’un passé qu’il a abandonné pour des raisons mystérieuses : un ancien ami, des souvenirs familiaux et un village de vacances dont il n’avait jamais terminé la construction.

Construire le futur sur le chantier du passé ? L’entreprise est hasardeuse et plus Roque s’enfonce dans la jungle, plus la frontière entre histoire et avenir devient floue. La perte de repères géographiques de cette forêt sans fin ni début traduit la perte de de repères mentaux de cet homme en plein naufrage face aux fantômes de ses échecs passés. D’abord pensée comme une forteresse où se cacher de ses responsabilités, cette jungle se révèle être un labyrinthe intérieur pour cet homme qui refuse de grandir et de vieillir.

Le cinéaste vénézuélien Jorge Thielen Armand dit avoir réalisé ce film pour passer plus de temps avec son père (qui joue ici son propre rôle et sa propre histoire), afin de réparer quelque chose dans leur passé commun. A mesure que Roque perd ses repères, le film lui-même chevauche une singulière frontière entre conte fantastique et documentaire intime. Sur ce chemin vers la folie, le réel surgit de façon saisissante via l’apparition de photos personnelles, vieilles de plusieurs années, montrant le réalisateur et son père sur les lieux-mêmes du tournage. Qu’est-ce qui est vrai alors dans cette histoire ? Le cinéaste pose un regard parfois dur sur ce père fanfaron, mais son point de vue reste empreint du respect que l’on a face à certains mystères trop intimes pour être dévoilés. Une chaleureuse énigme.

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par Gregory Coutaut

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