Critique : La Bête dans la jungle

Pendant 25 ans, dans une immense boîte de nuit, un homme et une femme guettent ensemble un événement mystérieux. De 1979 à 2004, l’histoire du disco à la techno, l’histoire d’un amour, l’histoire d’une obsession. La « chose » finalement se manifestera, mais sous une forme autrement plus tragique que prévu.

La Bête dans la jungle
France, 2023
De Patric Chiha

Durée : 1h43

Sortie : 16/08/2023

Note :

EH BIEN DANSEZ MAINTENANT

On entre dans le nouveau long métrage de Patric Chiha avec le même sourire plein d’espoir que le personnage d’Anaïs Demoustier lorsque celle-ci se voit autorisée à entrer pour la première fois dans une fascinante boîte de nuit sans nom. Ses amis et elles ont une jeunesse et une beauté conquérantes, et cette dernière semble contaminer toute l’image. Filmé comme en apnée parmi des foules dansant aux ralenti, La Bête dans la jungle est d’une chatoyance qui saisit sans attendre. La photo de Céline Bozon met autant en valeur les miroitements dorés du disco que les les lasers brutaux des raves, passant avec une gracieuse fluidité d’une époque à l’autre, puisqu’il est quasiment question ici d’un voyage dans le temps pour ces danseurs à l’abri dans un cocon hors du monde.

Le compliment est le même pour le travail sur la musique, qui garde son homogénéité malgré les bonds dans les années, et celui non moins remarquable sur les costumes. L’affaire se corse au moment de faire récit. Comme s’ils attendaient Godot, les protagonistes refusent de quitter la boîte car ils sentent qu’ils sont au bord d’une révélation qui les dépasse. Histoire d’attente jamais pleinement satisfaite, souvent bavarde (« le destin s’accomplira selon la loi sans que j’y puisse rien »), La Bête dans la jungle n’est sans doute pas le plus aisé des récits d’Henry James à adapter. Si Patric Chiha en retranscrit bien le sentiment fantastique, il n’évite ni les répétitions ni une impression de surplace grandissante.

Ce qui vient sérieusement gripper ces beaux rouages, c’est qu’aucun des trois acteurs ne semble jouer dans le même film ou même venir de la même planète. En physionomiste peut être nécromancienne-vampire, Béatrice Dalle est bien entendu parfaite mais sa présence dans ce rôle d’icône punk-queer est presque trop évidente, pas très imaginative. Moins attendue dans un tel registre, Anaïs Demoustier confirme son savoir-faire mais souffre d’avoir le rôle du personnage fasciné plutôt que du personnage fascinant. Elle est néanmoins mise en valeur par son partenaire, Tom Mercier. Décalés à l’extrême, son jeu et son phrasé sont d’un manque de naturel si difficile à appréhender que la moindre de ses scènes sidère, dans le mauvais sens du terme. Ce problème d’alchimie prend tant de place qu’il éteint progressivement le feu sexy du film, qui ne s’en relève pas.

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par Gregory Coutaut

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