Critique : Godland

A la fin du XIXe siècle, un jeune prêtre danois arrive en Islande avec pour mission de construire une église et photographier la population. Mais plus il s’enfonce dans le paysage impitoyable, plus il est livré aux affres de la tentation et du péché.

Godland
Islande, 2022
De Hlynur Palmason

Durée : 2h23

Sortie : 21/12/2022

Note :

RENDEZ VOUS EN TERRE CONNUE

Dans les toutes premières scènes de Godland, le protagoniste s’apprête à quitter son Danemark natal pour une terre si sauvage et indomptable qu’on dit que s’y trouver, c’est un peu comme être déjà mort. Cet ailleurs où l’ « on perd facilement la raison », c’est l’Islande, mais pour ce jeune pasteur façonné entièrement par une austérité toute protestante (rigueur que l’on retrouve dans la forme même du film, avec ses images au format carré stricte qui évoque Jauja de Lisandro Alonso), cela pourrait tout aussi bien être une autre dimension.

Il faut souligner le talent de composition du cinéaste islandais Hlynur Palmason, car les plans de Godland sont souvent impressionnants. Ou plutôt, il n’y a peut-être pas besoin de le surligner. Non pas que Godland roule trop des mécaniques, mais il est assez difficile d’ignorer ces figures artistiques quand le film ne semble, pendant toute une partie, ne pas se presser à proposer autre chose. Aussi beau soit-il (et il l’est), ce voyage plein de contemplation vers un monde inimaginable n’est pas aussi radical qu’il promet de l’être.

Est-ce la faute à l’acteur principal au surjeu cabotin ? Est-ce la présence de chants folkloriques qui peinent à décoller d’un cadre un peu pittoresque? Est-ce l’ombre des fictions de Werner Herzog d’antan ? Toujours est il que l’imaginaire cinématographique qui régit Godland n’est pas strictement contemporain. Ce n’est bien sûr pas un défaut en soi, mais cela peut devenir une frustration nous amenant à jalouser le sentiment de jamais vu mystique qu’éprouve le protagoniste.

Le basculement finit bel et bien par arriver : lorsque la nature prend enfin le pas sur les personnages. Dans Winter Brothers, son premier film (qui reste aujourd’hui encore son plus singulier), Hlynur Palmason mettait en scène un profond mystère de la masculinité, un sujet qu’il a par la suite abordé de façon plus terre à terre dans ses films suivants. Les personnages de Godland ne dépassent jamais assez leur statut d’archétype, et le long métrage lui-même ne déborde enfin vers la folie promise que lorsque la caméra arrête de les filmer pour se concentrer sur ce qu’on aurait aimé voir depuis le début : l’Islande, effectivement regardée comme une planète hallucinée. Dommage que cette bien belle récompense arrive tard.

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par Gregory Coutaut

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