Festival Black Movie | Critique : Farewell, My Hometown

Trois femmes de générations différentes sont filmées à un tournant de leur vie. Quel que soit leur âge, toutes ont perdu quelque chose en chemin et mis leurs rêves de côté. Dureté de l’existence, mort d’un·e enfant, sirènes trompeuses de la vie moderne, sacrifice des parents : dans cette société, les raisons de perdre ses illusions ne manquent pas.

Farewell, My Hometown
Chine, 2021
De Wang Erzhuo

Durée : 1h23

Sortie : –

Note :

DANS LA MAISON RÊVÉE

C’est assez indiscutablement du côté de la Chine qu’on a pu trouver quelques unes des plus foudroyantes révélations du cinéma d’auteur de ces dernières années. Wang Erzhuo (lire notre entretien) s’ajoute à la liste avec son premier long métrage, Farewell, My Hometown dévoilé en compétition à Busan. Wang raconte trois histoires de trois femmes. Des histoires de lieux, du village à la ville moderne en passant par la petite ville, et des histoires du temps. Celui-ci peut parfois se mesurer aux photos que l’on regarde. Il semble aussi parfois suspendu grâce à on ne sait quelle magie – probablement la mise en scène d’une grâce absolue par un jeune cinéaste débordant de talent.

Comment raconter ces histoires intimes ? Ici, par des touches impressionnistes et poétiques. Mais surtout par un impressionnant travail sur la variation d’échelles. Dans Farewell, My Hometown, on mêle les anecdotes aux instants-clefs d’une vie. Le silence est spectaculaire, à peine troublé par les sons de la nature. Les nuits peuvent être lumineuses, à la façon des photographies de Gregory Crewdson. La douceur des images est un contrepoint pudique au drame. Les situations sont souvent vues de loin, mais comme le plus intime et secret de souvenirs.

Tous ces contrastes installent une proximité hypersensible avec les récits et les protagonistes. Même lorsqu’on a l’impression d’être éloigné (par le silence, par un plan lointain), le travail sur le son et l’image nous invite au cœur de l’émotion. L’utilisation de voix off et de photos pourrait tomber dans l’aridité du film d’archives mais au contraire : quel paradoxe de filmer avec beaucoup de distance (au sens propre et figuré) et pourtant de parvenir à raconter quelque chose d’aussi intime, bouleversant, tangible.

Farewell, My Hometown utilise pleinement, et avec créativité, la grammaire cinématographique, et voilà une histoire qui ne pourrait pas être racontée de la même manière via un autre media que le cinéma. Le film parvient à la fois à être sophistiqué et très simple. Wang donne une unité à ce flot d’images qui ressemble à de la poésie filmée. Qu’il regarde la nature luxuriante, les lumière changeantes sur les arbres, ou un terrain vague surréel illuminé par des spots clignotants : quelle majesté, quel sens de la mise en scène et in fine quelle ambition narrative. Profondément émouvant, d’une beauté étourdissante, Farewell, My Hometown révèle à la fois un grand conteur et un grand styliste. Vite la suite !

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Nicolas Bardot

Partagez cet article