Critique : Toutes les couleurs du monde

Bambino s’est installé dans sa vie de célibataire. Il a un revenu stable grâce à son emploi de chauffeur-livreur à Lagos, et il est apprécié par son voisinage qu’il aide dès qu’il le peut. Alors que les avances de sa voisine Ifeyinwa le laissent froid, Bambino rencontre le charismatique Bawa, avec lequel il s’entend immédiatement.

Toutes les couleurs du monde
Nigeria, 2023
De Babatunde Apalowo

Durée : 1h33

Sortie : 08/05/2024

Note :

LA CAGE DORÉE

Bambino n’a pas de quoi avoir peur. A l’exception d’une voisine un peu envahissante et les habituelles question sur le mariage, personne ne vient trop l’embêter dans sa vie de célibataire. A l’intérieur de sa maison à la décoration simple mais chaleureuse, le quotidien se déroule sans que rien ne vienne troubler son léger sourire. Lorsqu’il fait semblant de jouer de la guitare, faute d’en avoir vraiment une sous la main, le son de l’instrument se fait d’ailleurs quand même entendre. Pourtant, au moment d’aller poser pour des photos d’identité pour un nouveau travail, Bambino s’entend dire par le photographe de redresser la tête. Un conseil riche de sous-entendu, placé en ouverture du film.

C’est à travers le regard qu’un photographe pose sur lui que Bambino va être amené à changer son propre regard sur lui-même (à ce titre, on pourrait presque dresser un parallèle avec Trois nuits par semaine de Florent Gouëlou). Au moment de chercher sur internet une explication sur le trouble qui le lie à ce nouvel ami, Bambino n’est même pas encore capable de taper le mot tabou et n’écrit que « Comment savoir si je suis… ». Le mot homosexualité n’est jamais clairement prononcé dans le film, sans qu’il n’y ait pourtant aucune ambiguïté sur le fait qu’il s’agit là du cœur du sujet.

Comme l’annonce son titre, Toutes les couleurs du monde est en réalité très coloré. Le succès combiné de la photographie et de l’étalonnage rendent les décors et les costumes vibrants, quitte à ce que l’ensemble menace par moments de virer à la carte postale. Une impression qui vient aussi du ton globalement très dédramatisé de l’ensemble. Le cinéaste nigérian Babatunde Apalowo privilégie en effet une grande douceur dans l’écriture comme dans la mise en scène. D’ailleurs, presque rien n’existe à l’image que les amoureux solitaires : tous les autres personnages sont filmés de dos ou de loin, ou bien laissés carrément hors-champ.

Cette joliesse pourrait passer par une forme de naïveté si elle n’était finalement rééquilibrée par une mélancolie amère. Alors que le scénario semble suivre les rails archétypaux des récits de premières amours queer, les scènes attendues de confrontation à l’extérieur et de victoire sur l’adversité n’arrivent jamais vraiment. L’homophobie à laquelle Bambino et son amoureux doivent faire face, c’est la sienne. En explorant la difficulté qu’a le héros à sortir de la case confortable qu’il s’était créée, Toutes les couleurs du monde dévoile finalement toute la douleur qui se cachait derrière la beauté de cette prison dorée.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Gregory Coutaut

Partagez cet article