Festival CPH:DOX | Critique : Beyond Utopia

Beyond Utopia suit divers individus alors qu’ils tentent de fuir la Corée du Nord.

Beyond Utopia
Etats-Unis, 2023
De Madeleine Gavin

Durée : 1h55

Sortie :  –

Note :

ANATOMIE DE L’ENFER

Lorsque le Festival de Sundance a annoncé la sélection de Beyond Utopia dans sa section documentaire, le résumé disponible sur leur site mentionnait seulement que le film suivait plusieurs personnes tentant de fuir l’un des endroits les plus oppressifs qui soient. Ce n’est qu’une fois le festival débuté, au moment où le film s’apprêtait à faire sa première, que le sujet en fut précisé, pour des questions de sécurité. Les personnes que nous voyons ici à l’écran ne fuient pas n’importe quel endroit : ils s’échappent de Corée du nord.

Un panneau le précise dès le générique de début : il n’y a aucune reconstitution dans Beyond Utopia. A l’exception de quelques extraits de journaux télévisées, toutes les images du film ont été tournées par les rescapés eux-mêmes ou par la réalisatrice Madeleine Gavin. Et quelles images. Le Festival de Sundance a cette année montré des documentaires aux images glanées dans les fonds marins ou à la frontière entre l’Ukraine et la Russie, mais aucune ne peut rivaliser avec l’impact de celles provenant de l’intérieur-même de la dictature la plus sévère du monde.

Beyond Utopia est un documentaire à la forme classique (sans doute est-ce là sa limite), avec des intervenants dûment nommés qui viennent expliquer l’histoire et le fonctionnement de la propagande nord-coréenne face à une caméra sagement statique. Si les propos sont riches de détails édifiants, cet exposé ne peut faire le poids par rapport au reste du film et les images captées secrètement par les principaux concernés. Dans cette catégorie-là, on peut dire sans exagérer qu’on est face à du jamais vu. Difficile de dire quels moments sont les plus sidérants.

S’agit-il des images captées avant le départ, montrant l’absurdité impensable de la vie sur place (les habitants sont obligés de donner leurs excréments au gouvernement qui en fait du fumier) ? Celles de la fuite elle-même, dignes d’un terrifiant film de survie ? C’est peut-être finalement celles de l’après, quand la réalisatrice filme la découverte du monde extérieur par les rescapés, qui pour certains n’ont jamais vu un pamplemousse, une télévision, du papier toilette. Beyond Utopia ne met pas de guillemets autour de la violence de ces situations, qui ne se terminent pas toutes bien, mais même lorsqu’il filme une vieille dame qui peine à dire enfin du mal de son pays, incapable d’effacer des décennies de lavage de cerveau : il donne à saisir un espoir fou.

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par Gregory Coutaut

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