Festival Un état du monde | Critique : Between Revolutions

Betwenn Revolutions porte sur la rencontre de Zahra et de Maria lors de leurs études à l’université de Bucarest dans les années 1970. Zahra, étudiante iranienne, décide de retourner en Iran suite à la révolution de 1979 qui touche son pays. Séparées par les bouleversements politiques, leur amitié va se poursuivre à travers une relation épistolaire de plus d’une dizaine d’années, parcourant ainsi la révolution iranienne ainsi que la révolution roumaine de 1989.

Between Revolutions
Roumanie, 2023
De Vlad Petri

Durée : 1h08

Sortie : –

Note :

MA RÉVOLUTION PORTE TON NOM

C’est une phrase que l’on entend dans Between Revolutions : « Le temps est venu pour un changement ». Ces mots concernent-ils Maria dans la Roumanie de la fin des années 70 à la fin des années 80, ou bien Zahra en Iran à la même période ? Nous parlerait-on en fait d’aujourd’hui ? Dans ce film hybride réalisé par le Roumain Vlad Petri, deux jeunes étudiantes, qui ont développé un lien profond en Roumanie, s’envoient des lettres lorsqu’elles se retrouvent séparées : l’une est restée en Europe, l’autre est retournée en Iran. Elles seront les témoins de deux moments historiques : c’est la Roumanie des années 80 jusqu’au coup d’Etat et la chute de Ceaușescu en 1989, c’est, à des kilomètres de là, la révolution iranienne jusqu’à la mort de Khomeini la même année.

On entend les lettres lues, mais on ne verra pas les jeunes femmes. Between Revolutions est composé d’images d’archives, la vie quotidienne ici et là, mais aussi de moments beaucoup plus spectaculaires : un stade roumain rempli où des sportifs effectuent des chorégraphies en joggings pastel, un rassemblement monumental à la disparition de Khomeini. Ce singulier kaléidoscope donne des instantanés d’époque, un flash puis un autre, une compétition de plongeon, des danseurs qui dans un étrange ballet se dandinent dans des flammes et des étincelles. La vie suit son fil, Maria et Zahra continuent à se parler.

On a pu voir récemment d’autres films où les images d’archives sont utilisées dans un but fictionnel (My Mexican Bretzel de l’Espagnole Nuria Giménez) ou pour interroger le réel (Les Années Super 8 d’Annie Ernaux & David Ernaux-Briot). Between Revolutions s’inscrit dans cette lignée. Ces lettres, qui pourraient ressembler à des lettres d’amour, ont-elles été envoyées ou sont-elles fantasmées ? Alors que les images documentaires possèdent une évidence réaliste, les lettres lues sont presque trop littéraires pour être réelles. Mais qu’en sait-on ? Le film ménage de manière stimulante une ambiguïté qui n’est que partiellement dissipée lors de ses ultimes images.

Dans Between Revolutions, un imposant manège tourne à vive allure. C’est une image d’archives, c’est une image tout court : l’Histoire en marche tourne en rond, les victoires se transforment en défaites, c’est là une machination dont on ne peut pas descendre. En cela, les images de manifestations en Iran font un écho évident à la situation actuelle. Entre Maria et Zahra, le film joue sur le reflet et la circularité. Il y a un souffle et une tristesse, un élan et une dimension désabusée dans le film de Petri, qui exploite son dispositif avec finesse et habileté.

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par Nicolas Bardot

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