Festival de Rotterdam | Critique : Berg

Trois randonneurs se rencontrent pour escalader ensemble une montagne.

Berg
Pays-Bas, 2021
De Joke Olthaar

Durée : 1h19

Sortie : –

Note :

IVRESSE DES SOMMETS

Bien malin qui saura dans quelle catégorie classer Berg, très intrigant premier long métrage de la réalisatrice néerlandaise Joke Olthaar. Documentaire poétique ? Essai d’art vidéo ? Film catastrophe onirique ? A l’image des trois randonneurs que nous entendons très brièvement en ouverture, avant qu’ils ne se lancent à l’escalade d’une imposante chaîne de montagnes slovènes, face au film nous nous trouvons nous-mêmes en position de pénétrer dans un splendide et mystérieux paysage cinématographique, trop imposant pour être réduit à une simple formule, trop fou pour ne pas y perdre nos repères.

D’un noir et blanc magnétique, les images de Berg sont parfois si lentes qu’on se demande si on n’est pas en train de regarder des diapositives. Après tout, comment juger si un plan est fixe lorsque l’on filme quelque chose d’aussi immuable que de la roche? En alternant les échelles jusqu’au vertige, Olthaar nous pousse à nous interroger sur la nature de ce que l’on voit (procession religieuse ? Exploration interstellaire ? Opération de sauvetage ?), ainsi que sur l’origine et la nature même des images. De temps en temps viennent s’intercaler d’autres images du même massif, également en noir et blanc, qui viennent troubler la frontière entre passé et présent.

La sensation d’être témoin d’un rituel secret, coupé du reste monde, s’accentue à mesure que la présence humaine, presque superflue, disparait peu à peu du film. Dans cette immensité déserte et majestueuse, les randonneurs ne sont filmés que de très loin, à tel point qu’il faut parfois un peu de temps pour distinguer leurs mouvements au loin. Berg est en effet un film quasi sans personnages, sans dialogues, mais pas muet pour autant. Outre une musique au minimalisme étonnant (là encore, on se demande si on n’entend parfois pas juste un vrombissement), le film est riche des bruits de la nature, notamment ceux d’un vent immense.

En 2016, la réalisatrice et plasticienne néerlandaise Fiona Tan parvenait, dans son documentaire Ascent, à faire naitre un récit par la simple juxtaposition de cartes postales du mont Fuji. De façon pas si éloignée, Joke Olthaar effectue ici à son tour cet élégant paradoxe. Et si Berg menace par moments de trop s’attarder sur une seule et même note (aussi riche soit-elle), son dénouement inattendu vient lui apporter une dimension étonnamment émouvante.

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par Gregory Coutaut

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