Critique : Anatomy of Time

Deux fragments de la vie d’une femme. Maem est une jeune femme dans la Thaïlande rurale des années 1960. Son père horloger transmet sa passion à sa fille, tandis que les tensions entre la dictature militaire et les rebelles communistes s’exacerbent. Elle est courtisée par deux jeunes hommes très différents – un faible conducteur de pousse-pousse qui est littéralement mis de côté par un chef d’armée ambitieux et impitoyable. Cinquante ans plus tard, le chef de l’armée est devenu un général en disgrâce. Maem soigne son mari violent pendant ses derniers jours et se remémore son passé rempli de pertes, de souffrances et de joies.

Anatomy of Time
Thaïlande, 2021
De Jakrawal Nilthamrong

Durée : 1h58

Sortie : 04/05/2022

Note :

LE TEMPS RETROUVÉ

Anatomy of Time est le nouveau long métrage du Thaïlandais Jakrawal Nilthamrong (lire notre entretien) après Vanishing Point qui fut couronné à Rotterdam en 2015. Dévoilé à la Mostra avant d’être montré cette semaine à Busan, Anatomy est un film ambitieux et sophistiqué qui mêle, en deux segments croisés, la mémoire intime d’une femme et celle d’un pays. On croise un horloger dans Anatomy of Time, comme un évident indice sur ce temps que l’on remonte ou que l’on parcourt. Nilthamrong indique qu’il souhaite raconter « l’histoire d’une génération qui s’efface lentement ».

Le mystérieux début de Anatomy of Time nous montre les traces physiques du passé laissées littéralement sous la peau d’un protagoniste. On retrouve bien plus tard les traces du temps laissées cette fois sur le corps de l’héroïne. Entre les deux s’installe un récit parfois brutal – mais c’est aussi le singulier mélange de violence et de tendresse qui interpelle dans Anatomy of Time. Les récits sont enchevêtrés, leurs escaliers se croisent, et Anatomy peut parfois donner le sentiment de se disperser. Parfois un peu hermétique, le film, tout en ruptures temporelles, peut aussi être un séduisant exercice formel.

De réflexion spirituelle en questionnement existentiel (est-ce que l’on récolte ce que l’on sème ?), Anatomy of Time laisse de la place à la contemplation et la méditation. Il y a une grande élégance et une douceur dans la photographie signée Phuttiphong Aroonpheng (Manta Ray). Ce soin n’est pas que cosmétique car c’est l’esthétique, le regard qui sont particulièrement émouvants dans Anatomy of Time. Lors d’une scène superbe, probablement la plus belle du film, la caméra s’attarde sur le ciel, puis une rivière. Suivent des plans successifs sur des oiseaux qui donnent l’impression qu’ils communiquent entre eux. La caméra filme les branches et leurs sinuosités, les racines sur les pierres, comme autant de dessins poétiques, à la fois abstraits et concrets, du temps, du présent et du passé imbriqués.

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par Nicolas Bardot

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