Critique : Alma Viva

Comme chaque été, la petite Salomé retrouve le village familial, niché au creux des montagnes portugaises, le temps des vacances. Tandis que celles-ci commencent dans l’insouciance, sa grand-mère adorée meurt subitement. Alors que les adultes se déchirent au sujet des obsèques, Salomé est hantée par l’esprit de celle que l’on considérait comme une sorcière.

Alma Viva
Portugal, 2022
De Cristèle Alves Meira

Durée : 1h28

Sortie : 12/04/2023

Note :

JE N’AI QUE MON ÂME

Tout au début d’Alma Viva, premier long métrage de la Franco-Portugaise Cristèle Alves Meira, la petite Salomé tente d’apercevoir à travers un trou une chose étrange qui lui est de toute évidence cachée. Quel est donc ce mystère qu’elle ne peut pas comprendre ? Après cette scène qui donne le ton, le film explore avec sensibilité la porosité entre le visible et l’invisible. Salomé passe l’été dans son village familial, au cœur de la campagne portugaise, et sa grand-mère meurt. Elle meurt, mais son âme, comme le suggère le titre du long métrage, reste bel et bien vivante.

Dans son récent court métrage intitulé Tchau Tchau, Cristèle Alves Meira explorait déjà le deuil vécu par une fillette, jouée par la même jeune actrice qu’Alma Viva, et qui perdait cette fois son grand père. Dans notre entretien réalisé à cette occasion, la cinéaste commentait : « La mort est un sujet fascinant pour le cinéma parce qu’elle ouvre le champ du mystique et de l’insaisissable ». Si Tchau Tchau examinait ingénieusement la frontière parfois floue entre la fiction et le documentaire, Alma Viva se penche plus directement sur celle, fragile, qui sépare réel et surnaturel.

Face au confinement qui a parfois séparé les familles endeuillées, Alves Meira nous disait également : « Il a donc fallu s’adapter et inventer de nouvelles façons de se dire au revoir et de se rassembler ». Comment se résout-on à dire au revoir dans Alma Viva ? Les esprits se manifestent, les mauvais rêves s’invitent dans le quotidien, et dans ces conditions l’apprentissage de la petite Salomé n’est pas aisé. Cristèle Alves Meira dépeint un milieu rural où les croyances sont encore fortes, les diables et sorcières peuvent s’inviter entre un épisode de telenovela et une fête au village.

Une voisine détestait l’aïeule décédée, l’accusant de sorcellerie. Que Salomé puisse être une petite sorcière ne semble jamais vraiment vu comme une malédiction dans Alma Viva. Cette porte vers l’invisible est une initiation comme une autre pour la fillette à la découverte du monde, ainsi qu’une transmission entre le passé et le présent. Tout cela est regardé avec une certaine grâce et sans mièvrerie – le film peut tout à fait être méchant, brutal et revêche. Si le dénouement plus rocambolesque nous semble un peu forcé, Alma Viva tire parti de son étrange tension fantastique, comme de la photo signée par Rui Poças. La toute fin, qui semble citer celle de Shara, maintient un lien précieux avec l’invisible et le merveilleux.

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par Nicolas Bardot

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