Festival de Allers-Retours | Critique : Absence

Han Jiangyu, après dix ans de prison, retourne sur l’île de Hainan. L’île est devenue un paradis pour les escroqueries en tous genres. Jiangyu retrouve également son ancien amour. Elle a maintenant une fille. Cette fille pourrait-elle être la sienne?

Absence
Chine, 2023
De Wu Lang

Durée : 1h40

Sortie : –

Note :

JE RENTRE A LA MAISON

L’eau gronde au tout début d’Absence. L’histoire se déroule sur l’île d’Hainan, au sud de la Chine continentale, et la dimension insulaire du lieu joue un rôle important dans le récit. On parle d’un endroit où une île entière peut disparaître, et qui a subi une modernisation extrêmement rapide. Le héros du long métrage, Han Jiangyu, sort de plusieurs années de prison : revenir sur l’île c’est retrouver les siens, mais cela devient aussi comme un prétexte à la redécouverte de la Chine aujourd’hui.

Quelle est la place – s’ils en ont une – pour les hommes et les femmes en ce lieu ? Le film juxtapose assez ironiquement, à quelques minutes d’intervalle, une scène où des ombres d’animaux transforment ceux-ci en géants, tandis qu’une conversation entre deux hommes les laisse totalement invisibles derrière un pare-brise. Une portée de chatons roux semblent davantage dans leur foyer que des humains qui vont et viennent, pour qui le temps passe, qui attendent laborieusement d’être relogés ailleurs. L’héroïne en robe rouge devant des ruines évoque un spectre échappé du cinéma de Kiyoshi Kurosawa.

Comment, dans cet espace flou, former une famille ? « Appelle-le comme tu veux » dit-on à l’enfant lorsque Han Jiangyu fait son retour, qu’il soit son père ou non. Dans le long métrage, une barque est filmée progressant dans une nuit noire, illustrant en quelque sorte l’errance des protagonistes. Les paysages dans Absence sont filmés comme des maquettes et vice-versa. « Le décor est un acteur. Le choix du lieu de tournage et le choix des acteurs sont aussi importants l’un que l’autre », commente le cinéaste Wu Lang (lire notre entretien) qui signe ici son premier long après une formation de sculpteur.

L’héroïne marche dans les ruines de la vie qu’elle espérait. On croit voir venir l’élégant drame chinois et réaliste qu’Absence est en partie, mais un décrochage fait que le film s’envole tout à fait ailleurs. Le choix de Lee Kang-Sheng pour jouer le rôle principal masculin n’est probablement pas un hasard : tout le large dernier segment d’Absence rappelle une sorte de rêve de Tsai Ming-Liang. La famille, reconstituée ou non, lance un défi au réel et investit son palais imaginaire. Plus les personnages se détachent de l’idée de retrouver leurs repères, plus le film se détache des normes narratives. Absence se déploie et n’en devient que plus beau, ambitieux et poétique.

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par Nicolas Bardot

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