Festival de Busan | Critique : I’m So Sorry

Ce film, conçu comme un essai-poème, questionne le choix de l’énergie nucléaire, et sonne comme une prophétie, un avertissement. La caméra saisit les choses auxquelles on ne veut pas croire. Ces images croisent les visages et les corps des habitants qui s’acharnent à rester en territoire irradié. Les décontaminateurs arrachent les arbres, les herbes, enlèvent la terre, on découvre des travailleurs qui démantèlent morceau par morceau une centrale nucléaire allemande, avant d’enfouir les déchets radio actifs pour 100000ans. Zhao Liang tel un guide d’outre-tombe, déplore dans une langue poétique, les conséquences de la folie des hommes, qui conduit à l’autodestruction. Combien pèsent les manifestants anti-nucléaires qui crient pour le respect de la terre ? L’homme célèbre le Malheur.

I’m So Sorry
Chine, 2021
De Zhao Liang

Durée : 1h40

Sortie : –

Note :

REGRETS ÉTERNELS

Dans son précédent documentaire, le fascinant Behemoth, le Chinois Zhao Liang explorait déjà la façon dont la nature était traitée par l’homme, soulignant la barbarie de l’exploitation capitaliste et son effet dévastateur sur le monde. Un monde dévasté, c’est également ce que donne à voir I’m So Sorry, son nouveau long métrage, dédié cette fois aux ravages et menaces du nucléaire. Cela se passe à Fukushima, cela se passe à Tchernobyl, ou partout dans le monde. Aux villes fantômes de Behemoth succèdent d’autres paysages désolés : des maisons éventrées, des temples de travers, des cafétérias à l’abandon. Un plan hanté : sur une image de pachinkos cassés, Zhao Liang rajoute la mélodie tintinnabulante de ces machines, du temps où la salle de jeu était un lieu d’amusement vivant.

Aujourd’hui, dans les zones sinistrées, il règne un silence étrange qui n’est perturbé que par les bips glaçants des compteurs Geiger. Ce silence est également troublé par quelques voix, lorsque le cinéaste va à la rencontre de personnes qui ont décidé de vivre dans ces zones vidées depuis des années. Des personnes qui ont le sentiment « d’errer constamment » – pas vraiment un hasard puisqu’on filme ici des limbes. Les arbres sont désormais aussi hauts que les immeubles, les sangliers ont remplacé les humains, les portraits aux murs sont des présences incongrues qui vivent ici à la place des gens qui ont dû fuir. Autant de visions stupéfiantes qui rappellent la formation de photographe du cinéaste.

I’m So Sorry contemple le passé pour questionner le futur – avec pessimisme. Évoque les jeunes qui auront à démanteler ce qui a été commis par leurs pères. « Je suis désolé » : mais à qui s’adresse ces excuses dites par une voix-off repentie ? Aux victimes, aux enfants abimés par les conséquences de désastres nucléaires ? Ou s’agit-il d’excuses adressées aux futures générations, tandis que de celles d’hier il ne restera que des déchets radioactifs ?

Le film manque parfois de liant, comme si l’addition de ses différents segments n’était pas plus forte que ces séquences prises indépendamment. Mais I’m So Sorry est un documentaire puissant, dans son propos comme son esthétique. C’est un signal d’alarme qui n’exclue pas le fait qu’il est peut-être déjà trop tard : lorsque le caméra rencontre un panneau « retour chez soi impossible » ou lorsqu’elle filme des endroits où seuls les morts reviennent.

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par Nicolas Bardot

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