
Le Festival Côté Court s’achève ce samedi soir et cette édition était à suivre sur Le Polyester. Outre les courts métrages que nous avons déjà évoqués lors de leurs passages dans d’autres festivals (Donne batterie de la Française Carmen Leroi, Supersilly de l’Italienne Veronica Martiradonna, The Watchman du Libanais Ali Cherri ou What Mary Didn’t Know de la Grecque Konstantina Kotzamani) voici 7 coups de cœur au programme cette année.

• Bel companho | David Ingels (France – Compétition Fiction)
L’histoire : Deux cousins éloignés, Jean et Estelle, se retrouvent dans la forêt le temps d’une promenade. Ils sont heureux de se voir, mais c’est une année étrange : des pans entiers de la forêt sont coupés et les chemins disparaissent. Bientôt, un jeune homme qui dormait sous les arbres les croise et reconnaît Jean… Il amène avec lui le soleil.
Pourquoi on l’aime : A l’heure des bilans de vie où l’on n’a pas grand chose à se dire, les protagonistes se retrouvent plongé.es dans la lumière magique de la forêt. La banalité et son mystère : voici l’intrigante balance de Bel companho, qui laisse derrière les mots une précieuse place à la contemplation. Le soleil décline, le ciel est rose, la lumière est cuivrée, et il ne reste plus que la nature qui trace ses belles lignes à l’écran.

• La Chanson du ciel | Frédéric Bayer Azem (France – Grand Angle)
L’histoire : Sélène trouve un job d’été dans une imprimerie, mais elle a autre chose à faire.
Pourquoi on l’aime : Remarqué avec son beau court métrage Blue, le Français Frédéric Bayer Azem (lire notre entretien) adapte librement l’Américain Adrian Tomine et dépeint la violente absurdité du monde du travail. Le cinéaste trouve un ton singulier, à la fois en termes visuels et d’écriture, pour échapper aux recettes du récit social. Ce film lumineux est également porté par l’excellence de son interprétation.

• Green Grey Black Brown | Yuyan Wang (France, Corée du sud – Compétition Essai / Art Vidéo)
L’histoire : Green Grey Black Brown explore le monde des plantes en plastique et les paysages artificiels façonnés par une industrie globale en pleine expansion. À travers cette nature synthétique une substance sombre et visqueuse — l’ombre persistante du pétrole — s’infiltre partout : des fougères jurassiques aux décors de centres commerciaux. Matière première du capitalisme fossile, le pétrole devient ici le fil conducteur d’un récit sur les logiques extractivistes mondialisées et les impasses d’un futur pensé par la technologie.
Pourquoi on l’aime : Des gros plans de matière, du pétrole qui recouvre l’image, un enfer sombre et visqueux tandis qu’une chanson familière (Owner of a Lonely Heart de Yes) résonne à travers une étrange reprise. La Chinoise Yuyan Wang travaille la perte de repères dans ce film dont le jeu sur les échelles, du gigantisme à la maquette, est remarquable. Beau et lugubre, Green Grey Black Brown pose ses questions environnementales dans un film qui, comme The Moon Also Rises, voile le réel d’un air de science-fiction.

• Homunculus | Bonheur Suprême (France, Italie – Grand Angle)
L’histoire : Dans un monde virtuel, Homunculus suit les itinérances d’un homme en quête d’autres hommes. Au cours de ses voyages, il réalise qu’il est perçu comme un « Arabe » : une figure ambiguë, virile et puissante, à la fois célébrée par les hommes blancs gay et haïe par les forces de police françaises.
Pourquoi on l’aime : Homunculus s’inscrit dans cette lignée de films récents utilisant le jeu vidéo comme langage formel et narratif, à l’image de Knit’s Island ou Grand Theft Hamlet. En un singulier contraste, la déambulation dans les méandres des applis gay se déroule ainsi dans un décor de fantasy. L’humour absurde vire au malaise lorsque le parcours du protagoniste est marqué par la fétichisation raciste. Le cinéaste nous invite sur son chemin solitaire, à la fois doux et violent, fantaisiste et mélancolique.

• Souvenirs du Mont-Salomé | Lionel Ueberschlag (Belgique – Grand Angle)
L’histoire : Salomé, acousticienne, est appelée dans un petit village des Vosges. Équipée de son enregistreur et de ses micros, elle mène une enquête sur de mystérieuses sonorités qui incommodent les habitants depuis des mois. Mais Salomé s’apprête à découvrir un monde invisible, trace du présent et du passé…
Pourquoi on l’aime : D’où vient ce son dans le bois ? A-t-il une origine extraterrestre, cache t-il un secret préhistorique ? Le Belge Lionel Ueberschlag use habilement de l’hésitation fantastique dans ce film à mi-chemin entre Memoria de Weerasethakul et La Montagne de Salvador. Enveloppé par la forêt et ses couleurs, le film porte une attention particulière à la nature dont il prend le pouls. Il en résultat un sentiment de communion aussi pudique que bouleversante.

• Tant que l’on fleurira les tombes | Ludovic Béot (France – Compétition Fiction)
L’histoire : Lucille et Antoine se baladent dans le cimetière du Père-Lachaise. Happés par une mystérieuse histoire, un évènement inattendu vient troubler leur promenade.
Pourquoi on l’aime : Le Français Ludovic Béot (lire notre entretien) signe un récit où la parole, les hasards et les ironies évoquent l’univers d’Éric Rohmer, au fil d’une promenade au Père-Lachaise. Le cimetière y est filmé comme un endroit au cœur du monde et à l’abri du monde, et sert de réservoir à histoires entre simple réalisme et suggestion fantastique. Une découverte délicate, séduisante et ludique.

• Wonderwall | Róisín Burns (Royaume-Uni, France – Compétition Fiction)
L’histoire : Liverpool, 1995, les dockers sont en grève. Siobhan, 9 ans, n’a qu’une chose en tête : voir si Oasis va remporter le duel de la pop face à Blur. Mais une dispute éclate avec son grand frère Rory, entraînant la petite fille dans une fugue à la tombée de la nuit. Au fil de son errance, la ville en déclin prend une allure irréelle.
Pourquoi on l’aime : Tout juste dévoilé en compétition au dernier Festival de Cannes dans le cadre de la Semaine de la Critique, Wonderwall de la Britannique Róisín Burns (lire notre entretien) fait le récit d’apprentissage d’une fillette à partir de motifs d’abord archétypaux. Le film trouve ensuite son surprenant chemin tandis que la lumière décline sur la ville et que le monde de Siobhan semble changer. D’une sensible intimité, finement politique, Wonderwall est une réussite qui signale Róisín Burns comme une réalisatrice à suivre.
Nicolas Bardot
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