Festival national du film d’animation | Entretien avec Simon Filliot

Un cœur d’or est un conte en stop-motion racontant l’histoire d’une mère qui vit dans la pauvreté et qui est contrainte de vendre ses organes pour son fils malade. Ce beau court métrage est à découvrir en ligne cette semaine au Festival National du Film d’Animation. Simon Filliot nous présente son film…


Quel a été le point de départ de Un cœur d’or ?

Le premier déclic a eu lieu en 2013, alors que je jouais à ce jeu idiot, où on demande « est-ce que pour 10 millions d’euros, tu… » et on se demande des choses de plus en plus horribles… A ce jeu on finit presque tout le temps par m’acheter, et on m’a demandé « est-ce que pour 10 millions d’euros, tu vendrais un de tes reins ? » ; et là, non, pas pour 10 millions d’euros, à aucun prix je ne vendrais une partie de mon corps. Je me suis mis à réfléchir à ce qui pouvait pousser quelqu’un à se vendre, au sens propre, puis cela a résonné en moi dans un sens plus métaphorique : à ce moment-là j’étais en lien avec une association de défense des droits des prostitué.e.s, et j’étais frappé par le fait que beaucoup d’entre elles.eux avaient comme priorité de s’acheter un logement, avant tout. Vendre sa chair, pour investir dans la pierre. Basiquement, il pourrait s’agir d’un échange de matériaux. J’ai voulu mettre cela en image.

Pouvez-vous nous parler du choix de l’animation en volume pour raconter cette histoire en particulier ?

C’est bien pour ce rapport aux matériaux que le stop-motion s’est imposé. Cela permettait de figurer de manière très concrète, tangible, cet échange de matériaux. D’un côté, il y a la « terre » des marionnettes, matériau meuble, humide,  « vivant » ; et de l’autre, le dur, le marbre de la nouvelle maison, et l’or. La jeune femme échange ainsi sa chair, fugitive, contre des matériaux immuables, minéraux. J’y vois une manière de rendre pérenne, un corps humain qui est par essence périssable. L’or de l’automate va même au-delà de la matière : ce ne sont que des reflets, de la lumière. La jeune femme s’est dématérialisée, désincarnée, à mesure qu’elle se défait de son corps. Le stop-motion associe la distance que permet d’avoir l’animation, avec un rapport sensoriel, intuitif, offert par la présence de matières réelles.

Quel.l.es sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?

Pour ce film, j’ai beaucoup été marqué par les images de Svankmajer. Sunset Boulevard est un film de chevet, cela peut se sentir dans le personnage de la vieille femme. Mais j’ai davantage pensé à des références hors cinéma : des peintres, les intérieurs de Vallotton, les rue de De Chirico ; l’architecture de Maillols ; et Madonna, pour le bustier d’or. Sinon, de manière générale, je brasse large dans mes réalisateurs.rices préféré.e.s : Varda, Ophüls, Miyazaki, Bong Joon-ho, Guy Maddin, Fellini, Fincher, les frères Quay, Billy Wilder… Mon film préféré reste toujours Titanic.

Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de découvrir un nouveau talent, quelque chose d’inédit à l’écran ?

J’ai été très marqué par Grave, de Julie Ducournau.

Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 4 avril 2021. Un grand merci à Estelle Lacaud.

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