Suite de notre focus sur les meilleurs courts du Festival SXSW après Travis Wood, Miu Nakata, Bridget Moloney et Lily Shaul. Le Canadien Santiago Menghini signe avec Regret un court métrage horrifique dans lequel un homme qui vient de perdre son père se retrouve confronté à une entité menaçante dans un hôtel vide. C’est un film prometteur, qui joue habilement de la lumière pour construire une atmosphère inquiétante. Santiago Menghini est notre invité de ce Lundi Découverte.
Quel est le point de départ de Regret ?
Le point de départ de Regret est un peu difficile à définir mais je pense qu’il est né d’une combinaison de différents facteurs. J’ai d’abord eu l’idée du film après avoir rendu visite à mes parents au Brésil. Ils m’ont beaucoup manqué, mais heureusement j’ai pu passer quelques belles semaines avec eux. À mon départ, j’ai eu ce sentiment lancinant de nostalgie. Ce sentiment est resté avec moi pendant plusieurs jours.
À l’époque, je venais aussi de terminer un autre court métrage intitulé Milk. Qui traitait d’un sujet similaire, mais d’un point de vue maternel. Dans ce court, il y a un moment qui est très bref, mais est qui rapidement devenu l’un de mes favoris : lorsqu’un jeune personnage est approché par sa « mère », et quand il détourne les yeux, celle-ci se rapproche. Cela arrive une seule fois dans le film, mais l’efficacité et le trouble provoqué par cet effet m’ont frappé. À partir de là j’ai commencé à explorer cette piste, en me basant sur cette idée de quelque chose qui se rapproche de vous au moment où vous ne regardez plus ; et c’est de là que Regret est né.
Votre utilisation de la lumière et de la pénombre joue un rôle important dans l’atmosphère horrifique de Regret. Pouvez-vous nous en dire davantage sur votre approche visuelle et sur la mise en scène de votre film ?
La lumière et l’obscurité jouent un rôle important dans la construction de l’atmosphère de Regret. Une caractéristique clef dans le fonctionnement de « la silhouette », c’est qu’elle est cachée dans l’ombre. Comme une silhouette volontairement difficile à définir. En jouant avec la lumière, nous avons cherché un sentiment de malaise et d’énigme dans cet environnement qui entoure le protagoniste, tout en permettant au public de se demander ce qui se passe dans l’obscurité. Je voulais aussi que l’obscurité mette en valeur le sentiment de solitude et d’isolement. Une des approches visuelles de ce film était de faire en sorte que le personnage se sente isolé et seul – comme si le monde dormait et qu’il ne pouvait se tourner vers qui que ce soit. Enfin, j’ai également insisté pour qu’on se concentre sur une caméra d’observation et omnisciente. J’ai essayé d’être suggestif et réfléchi quant à chaque mouvement, tout en construisant un sens de l’espace.
Le montage semble également un outil important pour construire la tension et raconter votre histoire. Comment avez-vous envisagé le travail sur le montage dans Regret ?
Construire la tension est toujours une tâche passionnante et difficile. L’une des clefs pour moi, c’est de me pencher attentivement sur le rythme et le découpage. J’étais très désireux de construire chaque moment avant de passer au suivant. Avec l’horreur, cela peut constituer un certain défi de jongler entre la peur et les différences de tons. Je plaçais constamment des marqueurs dans mon esprit sur des cibles à atteindre, et quand les atteindre. Je voulais laisser de la place à l’atmosphère mais que celle-ci soit transpercée de temps à autres par des pointes d’anxiété et d’effroi. Cela se traduisait par un questionnement permanent : quand et où placer les moments de peur et ceux tournant plus précisément autour du personnage. Enfin, un aspect important en ce qui concerne la tension lors du montage a été l’utilisation des plans où l’on voit la réaction du personnage. J’adore quand ce type de plan aide à souligner l’état émotionnel dans lequel nous nous trouvons. J’ai utilisé cette technique de nombreuses fois tout au long du film – parfois même de façon préventive.
Quels sont vos cinéastes favoris et/ou ceux qui vous inspirent ?
David Fincher, Jonathan Glazer, M. Night Shyamalan, Stanley Kubrick, Michael Haneke, David Lynch, David Cronenberg, entre autres.
Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de découvrir un nouveau talent, quelque chose d’inédit à l’écran ?
C’est une question très intéressante ! Et c’est un peu comme si vous me demandiez : quand avez-vous cherché l’inspiration pour la dernière fois ? En tant que créateur, je suis constamment à la recherche de motivation et d’inspiration pour être inventif. C’est une tâche sous-estimée et difficile – parce qu’il est émotionnellement exigeant d’entrer dans un état d’esprit créatif. Trouver quelque chose qui vous inspire peut être exaltant et c’est un moyen très efficace de se motiver. Ironiquement, je me retrouve parfois à me demander à quel point je peux voir de nouvelles choses, et quand cela va finir par engourdir mes sens. Parfois, j’ai besoin de faire des pauses et de me distancer du travail des autres afin que je puisse m’y plonger à nouveau et davantage.
Du coup, le sentiment de voir quelque chose de nouveau vient par vagues – de la même manière que je peux me laisser emporter par mon propre travail et les pressions de la vie. Mais quand je trouve quelque chose de nouveau par accident ou par une recommandation – je peux être complètement captivé et passionné. Un bon moyen pour moi de découvrir quelque chose de neuf, c’est tout simplement de naviguer sur Vimeo. Beaucoup de gens y mettent leurs portfolios et leurs expérimentations et cela peut être un ouverture fantastique vers l’inspiration.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 20 juillet 2020. Un grand merci à Dominique Dussault. Crédit portrait / Photos Olivier Gossot, courtesy of Sundance Institute
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