Réalisé par l’Espagnole Lucía G. Romero et présenté à la Berlinale en section Generation, Cura sana fait le portrait d’une journée semble-t-il comme une autre dans la vie de Jessica, 14 ans. Avec sa petite sœur, elle est chargée d’aller chercher de la nourriture pour sa famille auprès d’une association caritative. A travers une mise en scène chaleureuse et colorée, Romero fait preuve d’un talent très prometteur pour suggérer finement les dynamiques familiales. La réalisatrice nous en dit davantage sur ce beau court métrage.
Quel a été le point de départ de Cura sana ?
Cura sana est né avec le personnage de Jessica, qui a commencé à hanter mon esprit pratiquement à partir du moment où j’ai entamé mes études de cinéma à l’université. Je voulais raconter l’histoire d’une fille qui, bien qu’elle semble forte et intrépide, a peur d’être vulnérable et de baisser sa garde à cause de son expérience de la maltraitance et de la façon dont cela affecte sa vie et ses relations. Inspirée par mon histoire et celle de ma famille, j’ai commencé à explorer les conséquences psychologiques que la maltraitance laisse chez ses victimes, en particulier le fait d’en souffrir dès le plus jeune âge et comment briser la malédiction générationnelle de la violence. Cura Sana est une histoire sur les conséquences de la violence et sur le fait qu’il n’est jamais trop tard pour choisir l’amour.
Comment avez-vous trouvé votre actrice principale, Roser Rendon Ena, qui est excellente, et comment avez-vous travaillé avec elle sur ce rôle ?
J’ai eu une excellente directrice de casting et coach d’acteur, Ana Barja, qui s’est donné beaucoup de mal pour trouver des profils d’adolescentes noires qui correspondaient au rôle. Roser a trouvé l’affiche du casting sur Instagram alors qu’elle n’avait que 14 ans et n’avait aucune expérience ou formation préalable et elle s’est présentée au casting. Dès que je l’ai vue, j’ai su qu’elle allait jouer Jessica, en raison de sa similitude avec son personnage.
À partir de là, avec Rasvely (l’interprète de la petite sœur de l’héroïne, ndlr), qui nous a rejoint deux mois plus tard, nous avons commencé les répétitions avec Ana, qui ont duré au total 4 mois. Nous nous voyions une fois par semaine. Nous avons joué à des jeux de rôle et répété une scène par jour, ce qui leur a permis à chaque fois de s’approprier le scénario et d’improviser certaines scènes. Les répétitions ont été essentielles, notamment pour créer un lien entre nous toutes et faire en sorte que le tournage devienne un objectif commun passionnant pour chacune.
Comment avez-vous abordé le style visuel de cette histoire où une réalité difficile est racontée de manière chaleureuse et colorée ?
Inspirée par des films comme The Florida Project de Sean Baker, je voulais représenter visuellement à quel point l’adolescence et l’enfance sont vibrantes et excitantes, en particulier lors de vacances comme celle de San Juan ici en Espagne. Bien que l’histoire et les protagonistes soient entachés par la violence de son père, l’idée était d’offrir un espace fictif de chaleur, de plaisir, de rire et d’amour, avant de rentrer chez elles. Visuellement, les couleurs et la surcharge d’informations dans l’image m’ont aidée à générer cette vision idéalisée et subjective de la façon dont les filles voient le monde.
Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?
Il m’est difficile de répondre à cette question, car j’en ai tellement qui sont si différents les uns des autres. J’ai grandi avec les films de Tim Burton et Spielberg, j’étais une grand fan des films hollywoodiens et je rêvais d’y vivre. Une fois que j’ai grandi, il y a plusieurs autrices et auteurs qui m’ont fait me connecter avec mon désir de réaliser et d’écrire, car je voyais ce que je voulais créer davantage reflété dans leur cinéma ; réaliste, social et immersif. Des cinéastes et scénaristes comme Lukas Moodysson, Sean Baker, Andrea Arnold, Edward Yang, Céline Sciamma… Toutes et tous m’ont profondément inspirée et j’ai eu comme le sentiment de voir mon reflet dans les réalités qu’ils ont filmées.
Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent à l’écran ?
C’était définitivement l’année dernière avec Aftersun de Charlotte Wells. Ce film m’a énormément secouée, tant par son thème que par le talent de la réalisatrice à raconter l’histoire de manière humaine et suggestive.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 12 février 2024.
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