Entretien avec Kim Ui-Seok

After My Death a été couronné l’an passé au Festival de Busan. Et c’est mérité : ce premier long métrage d’un collaborateur de Na Hong-Jin est une révélation qui fait craquer les coutures du drame coréen programmatique pour glisser peu à peu vers l’imprévu glaçant aux portes de l’horreur. Très fort, très beau et en salles ce mercredi 21 novembre…

 

Quel a été le point de depart de After My Death ?

J’ai moi-même, un jour, perdu l’un de mes meilleurs amis. Ses affaires ont été retrouvées sur le pont de la rivière Han. Il a fallu environ un mois pour retrouver son corps. J’ai essayé de retranscrire les sentiments que j’ai eus durant cette période.

A première vue, After My Death ressemble à un drame très réaliste. Mais la profonde noirceur du film et son atmosphère parfois surréelle l’emmènent aux portes de l’horreur. Comment avez-vous abordé ces différentes tonalités durant l’écriture ?

Je souhaitais que le film débute comme un drame réaliste et s’achève comme si l’on regardait au plus profond d’un puits sombre – c’est ce que je voulais montrer. L’énergie sombre déborde peu à peu pour submerger la réalité dans le film. Réaliser ce film ainsi que l’écrire, c’était aussi une question de trouver ma propre réalité. Certains éléments reflètent l’exacte réalité, mais semblent assez étranges et horribles dans le film. J’aime le genre et la façon dont il s’exprime, mais je reste également assez méfiant. Je voulais m’approcher du genre dans ce qu’il peut avoir de plus noir, mais d’une certaine manière je souhaitais tordre sa structure pour en tirer quelque chose d’inédit. J’avais envie que le film soit d’une certaine manière un miroir de la réalité, mais qu’il tienne également de l’horreur dans ce que le genre peut avoir de terrifiant.

After My Death, de Kim Ui-Seok

Comment avez-vous abordé la mise en scène de votre film avec votre directeur de la photographie ?

Avec Baek Seonbin, nous avons fait nos études ensemble à la Korean Academy of Film Arts. Du coup on connaît très bien nos goûts en matière de cinéma. Je pense qu’il sait particulièrement observer à distance. Et j’ai pensé que son sens visuel irait à cette histoire. Dès le début de l’écriture, j’avais envie qu’il soit le directeur de la photographie du film. Par ailleurs, ayant longuement travaillé sur l’écriture du scénario, j’avais déjà une idée assez précise des plans et du visuel du film. J’ai travaillé de mon côté, puis avec le chef décorateur, puis avec Baek, et à chaque étape nous essayions de trouver quelque chose de neuf. Nous avions un plan visuel, mais on a aussi essayé de se libérer de ce plan. On a essayé de travailler dans une constante émulation pour chercher à chaque fois de nouvelles idées.

La scène dite du “trou dans la gorge” est à couper le souffle. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce moment ?

Au début du film, il est question de la disparition de cette jeune fille, et des gens qui gravitent autour de cette absence. Ce qui est d’abord le cœur du film (la disparition de la fille) reste au point mort et on se concentre peu à peu sur la réaction des vivants. Le trou dans la gorge et la preuve physique que Young-Hee a fini par obtenir et qu’on entrevoit au début du film. Young-Hee laisse Han-Sol, qui l’a trahie, toucher ce trou. Ainsi, elle se met d’une certaine manière au même niveau que Kyung-Min, c’est-à-dire qu’elle occupe la place laissée vide par la disparition de son amie.

Et depuis cette place vide, Young-Hee peut clairement voir les gens qui l’entourent. Comment ils réagissent, comment ils changent leur attitude. Ceux qui estimaient qu’elle était coupable, et ceux qui ont changé d’avis.

After My Death, de Kim Ui-Seok

Vous avez travaillé sur The Strangers il y a quelques années. Qu’avez-vous appris de Na Hong-Jin ?

J’ai appris quelle était la position à tenir lorsqu’on est réalisateur. Quelle attitude adopter.  C’est ma seule expérience sur le projet d’un autre réalisateur, et j’ai appris avant tout que faire du cinéma est une question de travail d’équipe.

Quels sont vos réalisateurs favoris et/ou les réalisateurs qui vous inspirent ?

J’aime beaucoup les films de Yasuzo Masumura, entre beaucoup d’autres réalisateurs. Mais j’ai encore beaucoup de choses à apprendre !

Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf au cinéma, de découvrir un nouveau talent ?

J’ai beaucoup travaillé sur After My Death, et le film m’a occupé à plein temps. Maintenant que la sortie coréenne a eu lieu, je vais essayer de prendre le temps de voir des choses neuves qui m’inspirent.

Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 8 novembre 2018. Un grand merci à Sophie Bataille.

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