TIFF 2019 | Critique : The Miracle of the Sargasso Sea

Dans une petite ville vivent une policière mutée par obligation et une employée d’église un peu paumée. Les deux ne se connaissent pas encore, mais elles partagent le même espoir : fuir le cauchemar qui les entoure.

The Miracle of the Sargasso Sea
Grèce, 2019
De Syllas Tzoumerkas

Durée : 2h01

Sortie : –

Note : 

LA MER DES MONSTRES

Qu’elle est loin de la Grèce, la mer des Sargasses. C’est pourtant là, à l’autre bout de l’Atlantique, que les anguilles grecques se rendent pour se reproduire puis mourir. On raconte qu’au fil de ce voyage, leurs yeux s’agrandissent pour s’accommoder à la profondeur de l’océan. Prendre sa respiration pour partir enfin à l’autre bout du monde, quitte à s’épuiser en route, voilà le rêve que partagent deux femmes très différentes de la même petite ville. Voilà le miracle qu’elles espèrent. Et face à leur SOS en forme d’étrange film noir, ce sont nos yeux qui vont s’écarquiller de plus en plus.

The Miracle of the Sargasso Sea (lire notre entretien avec le réalisateur) est visuellement chatoyant, mais son fil narratif n’est pas des plus aisés à suivre, il glisse volontairement entre nos doigts comme un courant de conscience, comme une anguille. Le film ressemble à un rêve décalé qui tournerait peu à peu à cauchemar fiévreux. Tout le monde a l’air un peu fou dans ce village du bord de mer, et si pendant un temps, les rapports entre les personnages sont sciemment laissés un peu flous, on comprend très vite le principal : il y a une violence souterraine larvée partout. Dans les rapports de classe, de nationalité, de sexe. Cela s’exprime de façon souvent grotesque, c’est à dire à la fois bouffonne et inquiétante : le sexe vire à l’humiliation, et la folie se cache partout, y compris derrière une inoffensive chanson chantée dans un bar.

Ce qu’on devine également, c’est que ce pays-là, comme tant d’autres, n’est pas fait pour les marginaux : les Albanais, les mecs sensibles, et surtout les femmes. Le film débute par un flashback, à l’époque où Elisabeth (la charismatique Angeliki Papoulia, vue plusieurs fois chez Lanthimos) travaillait au commissariat d’Athènes. On la voit tenir tête à une bande de jeunes terroristes virils, ricaner face à leur désir de voir « un tremblement de terre si fort qu’il ferait tomber les murs de la ville ». Elle y est sûre d’elle comme une flic de série télé. The Miracle of the Sargasso Sea a du charme, du mystère en veux-tu en voilà, mais fait également preuve d’une réelle amertume sur l’omniprésence des bandes de sales mecs. Le chemin pour se délivrer de cette malédiction masculine est ici un singulier voyage, qui tangue et fascine à la fois.

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par Gregory Coutaut

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