Festival de Rotterdam | Critique : The Cloud Messenger

Les uniformes, l’appel chaque matin, l’ordre et la discipline rythment le quotidien dans un pensionnat prestigieux quelque part dans les brumes de l’Himalaya. Jaivardhana, 16 ans, ne s’épanouit guère dans cet environnement autoritaire. Un répit se présente lorsqu’un ancien enseignant arrive à l’école et offre aux élèves intéressés la possibilité d’assister à un atelier de photographie. Au cours des leçons de M. Sapru, les jeunes n’apprennent pas la profondeur de champ ou la vitesse d’obturation, mais à ouvrir leurs sens et à faire l’expérience du monde qui les entoure…

The Cloud Messenger
Inde, 2022
De Rahat Mahajan

Durée : 2h28

Sortie : –

Note :

LE COLLÈGE DES CŒURS BRISÉS

Un garçon et une fille ont un coup de foudre réciproque mais leur amour est hélas impossible. Ce sont les règles strictes de leur pensionnat qui l’interdisent, mais c’est aussi le fait des dieux qui les surveillent. Pour s’épanouir, cet amour fou va se confronter à une malédiction ancestrale et à un sortilège plus fort que la mort. Ce point de départ a beau être fait des archétypes dont sont faites les légendes, The Cloud Messenger ne ressemble rien de ce que l’on connaisse, même en provenance d’un pays de cinéma aussi riche que l’Inde. Le film est un parti esthétique si fou et ambitieux qu’il faut se pincer pour se rappeler qu’il s’agit du tout premier long métrage de son auteur, Rahat Mahajan (lire notre entretien).

Ce point de départ pourrait être celui d’une fresque épique comme les blockbusters indiens en ont la science, mais The Cloud Messenger n’est ni chanté ni même porté par une joie exubérante. Il s’agit d’un film d’auteur dont le très grand sérieux n’empêche pas la majesté. Y a-t-il d’ailleurs un seul sourire durant les les 2h30 de ce film plein comme un œuf ? Pas sûr, tant les protagonistes amoureux ont l’air de porter le poids du monde sur leurs épaules. En guise de décor romantique, leur idylle nait dans un lycée perdu dans les montagnes, presque dans les nuages. Enveloppé dans une brume à la Shining (à qui The Cloud Messenger fait d’ailleurs un clin d’œil final), ce film-monde est baigné dans une ambiance éthérée et fantasmagorique. Une ambiance propice à l’hypnose, renforcée par le fait qu’un plan sur trois paraît être filmé au ralenti.

The Cloud Messenger utilise une grammaire cinématographique bien à lui, une recette unique qui combine avec succès des techniques issues des arts traditionnels et des idées de mise en scène contemporaines. Outre ces entêtants arpèges de ralentis, la présence d’une voix off plutôt que de dialogues vient rappeler par exemple Terrence Malik, tandis que le film fonctionne aussi comme un généreux livre d’images aux costumes flamboyants (parfois au sens propre). Dans son récit, The Cloud Messenger abolit la frontière entre le monde des humains et celui des légendes mythologiques. Dans sa mise en scène, il abolit celle entre les techniques et disciplines artistiques, entre tradition et modernité, réconciliant diverses manières de faire récit, de rendre à nouveau vivante une histoire vieille comme le monde. Le résultat est envouté et envoutant à la fois. Magique et proprement vertigineux.

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par Gregory Coutaut

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