Festival Visions du Réel | Critique : Rising Up at Night

Après une situation post-électorale bouleversante pour sa stabilité politique et économique déjà précaire, le Congo tente de relancer son projet de construction de la plus grande centrale électrique d’Afrique, Inga III, sur le fleuve Congo. Kinshasa, la capitale, reste dans l’obscurité et l’insécurité profonde. Sa population lutte pour l’accès à la lumière.

Rising Up at Night
République Démocratique du Congo, 2024
De Nelson Makengo

Durée : 1h36

Sortie : –

Note :

NOSTALGIE DE LA LUMIERE

« Une maison sans électricité est une maison malheureuse » : cette phrase entendue au début de Rising Up at Night ressemble à un slogan publicitaire pour électriciens, c’est pourtant la simple réalité dépeinte dans le documentaire réalisé par le Congolais Nelson Makengo (lire notre entretien). Suite à des coupures d’électricité, Kinshasa est régulièrement plongée dans le noir. Au-delà des inconvénients évidents à vivre sans lumière, Rising Up at Night témoigne d’une escalade : des accidents physiques aux violeurs qui agressent en toute impunité, le film dépeint une damnation qui s’abat sur les habitant.e.s et qui les prive de dignité – « c’est impossible de vivre ici ».

Comment, concrètement, filme t-on l’absence de lumière ? Rising Up at Night est une sorte de défi et une singulière expérience d’immersion. Makengo filme des discussions à contre-jour, avec des silhouettes qui se dessinent à l’écran. Celui-ci, parfois, n’est qu’un écran noir. Mais c’est aussi un film sur la lumière, même fragile et vacillante. Celle des lampes torches portées au crâne comme si la ville était au cœur d’une grotte. Mais aussi des lumières plus surprenantes : celles artificielles des guirlandes dans la rues, des serre-têtes multicolores. Ce sont les pétards qui surgissent, des éclairs qui zèbrent le ciel. « La joie est apportée par la lumière », entend-on lors du prêche, et la quête de lumière devient effectivement une question divine.

Rising Up at Night raconte comment on vit et comment on survit. Comment vivre dans un film catastrophe, lorsque les inondations s’ajoutent au malheur. Comment l’on fait preuve d’une force vitale impressionnante – ou tout simplement d’inventivité lorsque des arbres de lampes sont constitués sur un marché. Qu’est-ce que l’on distingue sous le ciel constellé d’étoiles ? Que redévoilent les petits matins bleus ? Le quotidien suit sont cours, et si, en creux, le film dit quelque chose de politique, cela n’est jamais exprimé frontalement. C’est pourtant bien de la ville et de son organisation dont il est question. Des plans d’ensemble répétés de Kinshasa viennent inscrire les scènes individuelles dans un plus grand ensemble.

Si le long métrage n’échappe pas toujours à un sentiment de répétition aride, il constitue le portrait vivant et puissant d’une communauté debout, épuisée, dans le noir, faisant au mieux dans un monde doublement englouti – sous les eaux ou dans la pénombre. Une situation tristement absurde qui peut même laisser place à un humour absurde tout court : « j’ai cru que c’était un bandit », entend-on, « c’était juste un arbre ».

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par Nicolas Bardot

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