Festival Black Movie | Critique : Pebbles

Ganapathy enchaîne les cigarettes et a perpétuellement l’air renfrogné. Sa femme a fui la maison et la violence domestique qu’il lui inflige, mais, accompagné de son jeune fils, Ganapathy est déterminé à la retrouver. C’est le début d’une marche de 13 km lors d’une des journées les plus chaudes de l’année…

Pebbles
Inde, 2021
De Vinothraj P.S.

Durée : 1h14

Sortie : –

Note :

MIRAGES

Pour son tout premier long métrage, le cinéaste indien Vinothraj P.S. s’est inspiré du vécu de sa propre sœur, obligée de fuir à pied et en plein désert un mari violent. L’épouse du protagoniste de Pebbles s’évade en effet d’un façon similaire mais, parti pris déjà singulier : on ne verra jamais cette dernière de tout le film. Inattendu, Pebbles est centré entièrement sur l’homme brutal et son fils, lancés ensemble à la recherche de l’absente, d’abord en bus, puis à pied.

Pebbles n’est ni un road movie (le film évite toute forme de pittoresque) ni un tendre film de réconciliation. Dans cette errance souvent sans dialogues, la tension est omniprésente, et notamment sur le visage du protagoniste, perpétuellement en colère comme s’il était sur le point de casser la gueule à tout le monde, à commencer par son fils, et même à la caméra. Une autre forme de violence est aussi présente tout autour des protagonistes, celle des conditions de vie particulièrement difficiles dans cette région pauvre et aride : douleur physique, sécheresse, alcoolisme. Mais s’il documente au passage sur ce coin d’Inde du sud rarement vu au cinéma, Vinothraj P.S. possède une plus grande ambition cinématographique.

Dans des paysages qui n’ont pas changé depuis des milliers d’années, sans repères ni frontières, père et fils errent dans un va-et-vient nerveux. Assommée par un soleil prêt à rendre fou, cette équation rappellerait presque l’Ozploitation (on entend même un discret didgeridoo). Pebbles offre des reliefs de mise en scène impromptus qui impressionnent et disparaissent aussitôt, comme des mirages : des plans furtifs filmés par drones ou en caméra subjective, un unique plan-séquence de dix minutes… Rien qu’en terme de mise en scène, on ne sait plus sur quel pied danser (tant mieux) et à quelle nouvel éclat s’attendre. La nature-même de ce voyage fou devient également plus floue: père et fils se fuient-ils l’un l’autre? Se courent-ils après? Pebbles débute par une question à laquelle il est impossible de répondre et, dans un amer dénouement, se transforme en une poignante entreprise sans fin. Comme un serpent du désert qui se mord la queue.

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par Gregory Coutaut

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