Critique : On dirait la planète Mars

La première mission habitée sur Mars est en péril. Pas de panique : une branche canadienne de l’agence spatiale envoie dans une base en plein désert cinq anonymes sélectionnés pour leurs profils psychologiques quasi identiques à ceux des astronautes. Ils doivent vivre comme eux, penser comme eux, être comme eux, pour anticiper et résoudre les conflits. Mais ici ce n’est pas tout à fait la planète Mars. Et ce ne sont pas vraiment des astronautes.

On dirait la planète Mars
Canada, 2022
De Stéphane Lafleur

Durée : 1h44

Sortie : 02/08/2023

Note :

IS THERE LIFE ON MARS ?

Remarqué avec Continental, un film sans fusil, En terrains connus et Tu dors Nicole (qui furent respectivement sélectionnés à la Mostra, à la Berlinale et à Cannes), le Canadien Stéphane Lafleur semble promettre un voyage aussi lointain qu’exotique avec son nouveau film, On dirait la planète Mars. Mais tout est dans le conditionnel du titre : l’histoire se déroule bel et bien sur Terre, dans un no man’s land certes, mais absolument pas dans le cosmos. Ici, une équipe de faux astronautes participent à une expérience visant à résoudre à distance les problèmes rencontrés par de vrais astronautes parmi les étoiles.

La vie semble aussi simple que le questionnaire soumis à l’équipe : vrai, faux, oui, non, mais aucune nuance entre les deux. Les faux astronautes vivent comme sur Mars et cela pourrait être une épopée extraordinaire. Mais Stéphane Lafleur, grâce à l’habile utilisation d’un humour à froid, raconte un univers hors normes qui s’avère aussi dysfonctionnel que le monde quotidien. Ce monde rempli de bullshit réunions, où toute décision doit être suffisamment carrée pour rentrer dans un fichier Excel, où l’ambition d’atteindre la Lune (et même Mars) se heurte à des disputes de crayons à papier et de carrés de sucre, ce monde-là ne vous rappelle-t-il pas quelque chose de très familier ?

C’est la réalité sur Mars, mais c’est avant tout la réalité du monde du travail que Lafleur dépeint. Un quotidien de small talks mécaniques et vides de sens, et où la volonté de mettre de côté les émotions rend toute chose absurde. On porte ici une combinaison spatiale, mais sur la Terre comme au ciel on doit s’habituer à la vie banale et au non-sens des rapports sociaux. C’est là un moteur de comédie qui pourrait rapidement être figé mais le cinéaste, aidé par ses interprètes, a de la ressource.

D’abord parce que le long métrage sait brouiller les pistes : On dirait la planète Mars est davantage une comédie qu’un film de science-fiction, mais il est visuellement aussi léché et soigné qu’un véritable film de SF. Ensuite parce que le film sait faire évoluer les tons et donne une profondeur inattendue au récit ; le rire dans On dirait la planète Mars ménage une place pour le malaise et la tristesse. Un léger vertige s’invite lorsque le jeu de rôles, conçu et accepté comme tel, finit par transformer ses participants. Au bout de ce singulier voyage, il y a une comédie absurde aussi réjouissante qu’émouvante.

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par Nicolas Bardot

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