Festival de La Roche-sur-Yon | Critique : Nieva en Benidorm

Employé de banque anglais, Peter se rend dans la station balnéaire de Benidorm en Espagne. Au Benidorm Club, il assiste à des spectacles exotiques et rencontre Alex, une danseuse qui va bouleverser sa vie.

Nieva en Benidorm
Espagne, 2020
De Isabel Coixet

Durée : 1h57

Sortie : –

Note :

LES JEUX DE SOCIÉTÉ

La filmographie de la cinéaste catalane Isabel Coixet ressemble à un plateau de jeu de société, un parcours parfois hasardeux mais souvent ludique entre les genres et les registres. Ces derniers temps, le regard singulier de la réalisatrice semblait s’être un peu égaré dans des projets à la fois faussement ambitieux et vraiment étriqués (la fresque en noir et blanc Elisa y Marcela, ou le film de commande The Bookshop). Projet plus humble mais plus assuré, Nieva en Benidorm a les pieds ancrés dans le sol. Cette fois-ci, on a l’impression que Coixet est de retour sur ses terres.

Mais qui peut dire qu’il est vraiment chez lui à Benidorm, improbable station balnéaire à l’architecture de science-fiction, envahie de touristes britanniques pas très discrets ? Dans cette ville artificielle, chacun a l’air d’être en transit, il ne reste aucun vestige et les souvenirs du passé ressemblent à des fables improbables. Cette ville-fantasme est le cadre idéal pour la poésie tout en décalage de la cinéaste. Comme dans un mirage, Peter se retrouve projeté de son morne quotidien à Manchester (où les autocollants Brexit sont fièrement postés sur les vitres) jusqu’à l’appartement de son frère, situé au dernier étage d’un immeuble de Benidorm, entre le ciel et la mer. Tel un chien dans un jeu de quilles, ce grand garçon timide féru de météorologie se retrouve déjà au 7e ciel.

Changement d’air, changement climatique, dépression nerveuse et anticyclones… La métaphore est sans doute bien lisible sans qu’il y ait besoin de la surligner. La où Coixet se montre la plus habile, c’est dans son sens du ludisme. L’enquête que Peter va mener pour retrouver son frère ressemble elle aussi à un jeu de société, une chasse au trésor balayée d’un vent étrange et sexy. Dans ce cadre trop coloré pour être honnête, de club de strip-tease ou boucheries clandestines, la réalisatrice s’amuse à semer des figures de film noir. Le mélange d’archétypes et de décalages pop fait mouche, et c’est cette étincelle qui donne au film une dimension romanesque tout à fait efficace et sympathique.

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par Gregory Coutaut

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