Critique : Les Promesses d’Hasan

Lorsque Hasan apprend qu’un pylône électrique va être installé sur les terres qu’il cultive, il manœuvre afin que son champ soit épargné. Mais avant de partir en pèlerinage à la Mecque, il promet à sa femme de réparer ses erreurs passées.

Les Promesses d’Hasan
Turquie, 2021
De Semih Kaplanoğlu

Durée : 2h27

Sortie : 03/08/2022

Note :

LA TEMPÊTE EN MOI

Ce qui frappe avant tout dans le nouveau long métrage du cinéaste turc Semih Kaplanoglu, c’est sa beauté. Les Promesses d’Hasan se déroule sur la propriété agricole d’Hasan et sa femme, qui résident paisiblement au milieu de champs et vergers particulièrement luxuriants. Leur table est toujours joliment agrémentée et la moindre corbeille de fruits est chatoyante. Même le champs aride d’à côté, où trône un unique arbre, rayonne à l’écran. Dans combien d’autres films turcs contemporains a-ton déjà vu tant de couleurs ? Sans vivre dans l’opulence, Hasan et sa femme ne connaissent pas les mêmes difficultés financières que leurs voisins, et s’ils courent après les économies, c’est moins par besoin que par pingrerie. Leur propre jardin est un paradis, mais ils sont trop cupides pour s’en rendre compte.

Qu’il capte la longue silhouette de son protagoniste planté dans des paysages immenses ou bien qu’il se penche sur les détails d’un fruit baigné de rosée, Semih Kaplanoglu fait preuve d’un art de la composition majestueuse. Les promesses d’Hasan est riche en visions et tableaux évocateurs. C’est une question d’image, mais aussi de son, et il faut souligner le travail remarquable fait à ce niveau-là. Au sens propre comme au figuré, le film est balayé par un gigantesque vent dont le murmure puis le cri viennent s’immiscer dans la moindre conversation, comme un ouragan qu’on ne peut plus arrêter. Le temps du repentir est en route pour les deux gredins.

Les promesses d’Hasan est le deuxième chapitre d’une nouvelle trilogie du cinéaste turc. Le précédent volet, Commitment Asli, est encore inédit en France. Après la parenthèse incertaine de La Particule humaine, on se réjouit de le voir revenu à des sommets qui lui avait fait gagner l’Ours d’or en 2010 avec Miel. Mais pour un cinéaste capable de faire passer tant de chose par l’image, Kaplanoglu pourrait se permettre de donner un coup de fouet à son récit, comme il le fait dans la séquence d’introduction, où un bref cut et un pano sur des barbelés font défiler les années dans un soupir. Cette brièveté efficace fait parfois défaut dans le reste du film, et la rédemption d’Hasan est un plus balisée que prévu.

Les promesses d’Hasan installe avec minutie et subtilité les ingrédients d’une tragédie existentielle à venir. Avec ses symboles, son grand sujet humain et ses grandes images, le long métrage a d’ailleurs de quoi rentrer dans la définition étriquée d’un « grand film » (en faisant un sacré raccourci, on pourrait même dire que Kaplanoglu signe là son œuvre le plus ceylanienne). Mais le film n’a pas besoin de feindre de rentrer dans de telles cases, car il possède les siennes : un humour ironique, de l’absurdité et et une porte entrouverte vers le surnaturel (une combinaison qui rappellerait du coup davantage son compatriote Emin Alper). C’est quand Kaplanoglu laisse justement entendre ce vent de folie que Les promesses d’Hasan retrouve son propre cap et nous happe au passage.

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par Gregory Coutaut

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