Festival de Locarno | Critique : Les Enfants rouges

Des hommes attaquent deux jeunes bergers et obligent Achraf, 13 ans, à apporter la tête de son cousin Nizar à la famille comme un message macabre. Tentant de ne pas devenir fou, Achraf s’aperçoit que le fantôme de son cousin est bien décidé à l’accompagner. Face à ses aînés désemparés, Achraf est déchiré entre son désir de s’accrocher à Nizar et son devoir de les guider pour récupérer le corps.

Les Enfants rouges
Tunisie, 2024
De Lotfi Achour

Durée : 1h40

Sortie : –

Note :

MENACE FANTÔME

Dans le coin rural de Tunisie où se déroule Les Enfants rouges, les paysages montagneux sont superbes mais filmés sans naïveté. Les personnages savent tous que cette majesté n’a rien d’une carte postale et que, toutes accueillantes qu’elles paraissent, les montagnes sont remplies de mines antipersonnelles et de terroristes. Cette menace n’a rien de paranoïaque et le scénario n’a pas besoin de plus de quelques minutes pour la mettre violemment à exécution. Au détour d’une simple promenade, Achraf, treize ans, voit son cousin plus âgé se faire assassiner sous ses yeux par des inconnus. Ces derniers donnent alors une mission à Achraf : rapporter la tête de son cousin au village en guise d’avertissement.

Cela pourrait être le point de départ d’un éprouvant film de terreur, mais le réalisateur Lotfi Achour propose en réalité autre chose. Passée cette introduction où l’horreur reste plutôt hors-champ, Les Enfants rouges évolue dans un onirisme poétique qui épouse l’imagination de son protagoniste, enfant confronté à une incompréhensible injustice. Sur le chemin du retour au village, Achraf se retrouve en effet accompagné du fantôme de son cousin, présence apaisante qui va l’aider à accomplir cette terrible mission.

Les Enfants rouge est « une fiction basée sur une histoire vraie » nous prévient le générique de début. S’il ne masque pas la terrible réalité de la menace permanente du djihadisme, le scénario fait plusieurs pas de côté qui lui confèrent une jolie personnalité, telle l’utilisation d’ellipses à chaque fois que le jeune protagoniste doit parler de mort ou l’étonnante structure narrative qui transforme la solitude d’Achraf en réinvention collective de toute un village. La vie continue et l’espoir aussi, quitte à flirter avec une petite candeur au moment d’évoquer les premiers émois du protagoniste.

Le résultat évoque les récentes réussites d’un cinéma d’auteur fantastique tunisien riche en métaphores politiques, tels que Who Do I Belong To ?, Ashkal, l’enquête de Tunis, Black Medusa ou encore Sortilège, mais là où Les Enfants rouges se démarque, c’est dans l’empathie tendre de son regard. La superbe photo signée du polonais Wojciech Staroń vient d’ailleurs traduire avec talent le singulier équilibre entre douceur et dureté sur lequel évolue cette petite réussite.

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par Gregory Coutaut

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