Mostra de Venise | Critique : Erasing Frank

Budapest , 1983. Chanteur charismatique d’un groupe punk clandestin, Frank est la voix de sa génération contre le régime totalitaire.

Erasing Frank
Hongrie, 2021
De Gábor Fabricius

Durée : 1h43

Sortie : –

Note :

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Erasing Frank s’ouvre sur les images d’archives d’un défilé militaire, accompagné par un riff de guitare inattendu et dissonant. Le décalage pourrait être amusant, il est plutôt inquiétant et le riff en question ressemble moins à un doigt d’honneur bravache qu’à un appel à l’aide. Frank (Benjamin Fuchs, révélation charismatique) est le chanteur d’un groupe punk. Ses fans sont nombreux à se presser à ses concerts clandestins, mais les membres des forces de l’ordre qui veulent faire interdire sa musique contestataire le sont tout autant. Élégante et nerveuse à la fois, la mise en scène traduit efficacement la position paradoxale de Frank : dans ce noir et blanc brumeux, il est au cœur de tous les plans, à tel point que son environnement devient presque flou, comme si l’arrière plan n’existait pas. Comme s’il lui était impossible de se cacher, y compris de l’œil de la caméra.

Erasing Frank ne ressemble pas à Leto (et pas seulement parce que la bande son propose du Laurie Anderson plutôt qu’une compilation de tubes). Le rock est ici exempt de fantasmes et de folklore, et le film reconstitue davantage la palpitation brûlante des pogos. La mise en image crée une perte de repères progressive traduisant les tentatives de Frank de garder la tête hors de l’eau. D’ailleurs quand le protagoniste se retrouve arrêté, aux sens propres et figurés, le film semble se figer aussi. Dans la deuxième partie du film, Frank est en effet interné de force dans un hôpital psychiatrique. Le film perd alors une partie notable de son urgence et de sa colère. Erasing Frank est peut-être imparfait dans sa manière de maintenir la tension jusqu’au bout, mais il révèle néanmoins le talent d’un jeune cinéaste inspiré et prometteur, capable de raconter moins par l’écrit que par l’image et la pure mise en scène.

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par Gregory Coutaut

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