Critique : Domingo et la brume

Dans les montagnes tropicales du Costa Rica, Domingo, qui a perdu sa femme, possède une terre convoitée par des entrepreneurs. Ils sont déterminés à y faire passer une nouvelle autoroute et rien ne semble pouvoir les arrêter. Multipliant les actes d’intimidation, ils délogent les habitants les uns après les autres. Mais Domingo résiste car cette terre referme un secret mystique.

Domingo et la brume
Costa-Rica, 2022
De Ariel Escalante Meza

Durée : 1h32

Sortie : 15/02/2023

Note :

COMME UN ÉCLAIR DANS LE BROUILLARD

Domingo et la brume (traduction directe du titre original), il n’y a en effet que ça dans les toutes premières images de ce film costaricien. Les collines verdoyantes y sont nappées d’un brouillard si épais et mystérieux qu’on serait en peine d’y distinguer l’heure de la journée. Dans cet espace aux portes du fantastique, où les seuls repères sont les quelques maisonnettes isolées d’une poignée d’habitants, le vieux Domingo se détache comme un éclair avec son imperméable jaune. Avec cette image puissante, accompagnée d’une musique étonnante (mi-electro mi-tribale, évoquant aussi certains films d’aventure), les portes du conte se trouvent grandes ouvertes : cet homme est-il en train de se promener, s’agit-il d’un ermite s’étant retiré du monde, et surtout qu’est-ce qu’il recherche à errer ainsi dans cette brume bleue fantasmagorique?

« Je ne suis pas fou » explique Domingo à sa fille qui vit avec lui. Domingo entend des voix, ou plutôt une seule voix, et celle-ci provient justement de la brume. Une voix féminine qu’il interprète comme étant celle de son épouse décédée, mais qui pourrait tout aussi bien être celle d’une déesse sylvestre ou de mère nature. La voix en question prévient Domingo : le monde autour de lui va bientôt disparaitre. Cela sonne comme une prophétie mais le danger est aussi concret et contemporain que le capitalisme rampant qui a trouvé le chemin de ces habitations perdues dans la montagne : des développeurs urbains comptent bien s’en emparer, quitte à utiliser la violence. Domingo et la brume commence comme un conte, mais sait conserver les angles aigus du réalisme politique. De fait, la voix ne se contente pas de mettre en garde Domingo comme dans une fable naïve, elle le pousse au contraire à prendre les armes en retour.

Même si on ne le dévoilera évidemment pas, le dénouement de Domingo et la brume a lui aussi le coté abrupt des coups de tonnerre, si bref qu’il ressemblerait d’ailleurs plutôt à une absence de dénouement. La réussite du réalisateur Ariel Escalante Meza est moins narrative que plastique, mais cela ne la rend pas moins appréciable. Avec son format d’image presque carré, aux bords arrondis, son utilisation généreuse de couleurs fort vives, la place qu’il laisse aux sons pour faire récit, le cinéaste prouve qu’il n’a pas peur de faire des choix esthétiques forts. En dépit de son apparente modestie, Domingo et la brume est en réalité un généreux cadeau pour les sens et l’imagination.

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par Gregory Coutaut

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