Critique : Dawson City – Le Temps suspendu

1978, Canada. À 560 kilomètres au sud du cercle polaire arctique se trouve Dawson City. Lors de travaux destinés à construire un centre de loisirs, le conducteur d’une pelleteuse fait surgir de terre des centaines de bobines de films miraculeusement conservées. Combinant films muets, films d’actualités, images d’archives, interviews et photographies historiques, et accompagné par une bande-son envoûtante d’Alex Somers, Dawson City : Le temps suspendu dépeint l’histoire de la ruée vers l’or d’une petite ville canadienne tout en relatant le cycle de vie d’une collection de films singulière à travers son exil, son enterrement, sa redécouverte et son salut.

Dawson City : Le Temps suspendu
Etats-Unis, 2017
De Bill Morrison

Durée : 2h00

Sortie : 05/08/2020

Note :

CHASSE AU TRÉSOR

Il y a dans Dawson City : le temps suspendu une première ruée vers l’or. Celle qui mène des milliers de personnes jusqu’au Klondike, et qui semble sortir d’un épisode des aventures de Picsou. Cette épopée extraordinaire jusqu’au bout du monde revit à l’écran à travers des images datant pour certaines du 19e siècle. Un plan sur une rue, ses fantômes qui réapparaissent – et on regarde déjà tout cela médusé.

En creux, Bill Morrison raconte une autre ruée vers l’or. Dans les années 70, alors que la ruée n’est plus qu’un bruit très lointain, des centaines de bobines de films datant du début du siècle sont retrouvées. Des pellicules comme autant de témoignages, qu’on visionne comme un essaierait de lire et déchiffrer un parchemin brûlé et taché. Les images apparaissent telle une flamme fragile qui peut s’éteindre à tout moment. Ironiquement, ces bobines sont alors hautement inflammables, et en une combustion spontanée les images peuvent disparaître comme un mirage. Si l’ancienneté des films retrouvés donne de la valeur à ce trésor, c’est aussi leur fragilité qui fait de cette redécouverte une sorte de miracle.

Dawson City relate aussi une histoire de cinéma. Morrison met en parallèle l’effervescence de la ruée et la frénésie créative de films. Dawson est au bout de la planète mais les nombreuses images du monde finissent par y parvenir, quand bien même le voyage prendrait des années. Pourtant, des tonnes de ces films finiront jetés à la flotte, jetés au feu – quelle valeur peuvent-ils avoir dans le futur, quelle valeur encore au moment où apparaît le cinéma parlant ? Voilà l’autre miracle que constitue ce sauvetage. On voit là des images qui tant bien que mal ont traversé le temps ; les cicatrices sont parfois apparentes avec des parties de l’image effacée, un acteur qui s’adresse à une silhouette brûlée. Il y a pourtant là quelque chose qui revit et c’est aussi passionnant qu’émouvant à voir.

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par Nicolas Bardot

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