Festival Black Movie | Critique : Aloners

Jina travaille dans un centre d’appel dédié aux cartes bancaires. Elle fait son travail consciencieusement, mais ne noue aucune relation avec ses collègues. Jina est également solitaire dans la vie. Un jour, son voisin, avec qui elle échangeait des mots quotidiens en allant ou en revenant du travail, est retrouvé mort chez lui, une semaine après son décès. Cette nouvelle bouleverse Jina…

Aloners
Corée du Sud, 2021
De Hong Sung-eun

Durée : 1h30

Sortie : –

Note :

SEULE AU MONDE

Jina vit dans sa bulle : lorsqu’elle est seule chez elle, lorsqu’elle met ses écouteurs dans la rue, ou quand elle prend place dans l’espace exigu de son travail. La Coréenne Hong Sung-eun (lire notre entretien) raconte avec délicatesse cette solitude choisie, la décrit comme un cocon ouaté, mais aussi comme un rempart. La jeune cinéaste, qui signe ici son premier long métrage, met en scène une tension sans cri. Le malaise est assez silencieux dans Aloners (et le travail sonore est remarquable), mais le film n’étouffe pas sous une chape de plomb pour autant.

Hong Sung-eun parvient en effet à raconter avec finesse et respirations la déshumanisation progressive, une mise en retrait vis-à-vis des autres. Elle réussit à faire ressentir l’angoisse de la sociabilisation, dans un monde où l’on encourage la distance émotionnelle – « les sentiments n’ont pas leur place » indique une supérieure hiérarchique. Les contours du réel deviennent plus flous et dans Aloners, on finit par ne plus vraiment faire la différence entre les vivants et les fantômes. L’appartement d’à côté est-il hanté ? Et pourquoi le nom de la mère décédée de l’héroïne continue de s’afficher sur son téléphone ?

On sent le film au bord d’un basculement qui ne vient peut-être pas. Mais le dernier segment plus chaleureux permet au récit de ne pas s’enfermer dans la formule. Le pari d’avoir cette héroïne pas si aimable (interprétée avec talent par Gong Seung-yeon, pour son premier rôle au cinéma) donne une aspérité bienvenue au long métrage. Déjà primé à Jeonju avant d’être sélectionné à San Sebastian, Aloners est une solide découverte par une cinéaste à suivre.

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par Nicolas Bardot

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