Festival du Caire | Entretien avec Hong Sung-eun

Primé au Festival de Jeonju, rendez-vous important du cinéma indépendant coréen, Aloners a récemment été sélectionné à San Sebastian dans la compétition New Directors. La Coréenne Hong Sung-eun signe un premier long métrage prometteur, tendu et subtil sur une jeune femme solitaire ébranlée lorsqu’elle apprend la mort subite de son voisin. La cinéaste, sélectionnée cette semaine au Festival du Caire, est notre invitée.


Quel a été le point de départ de Aloners ?

Le point de départ du film a été le moment où j’ai réalisé que ma plus grande peur était de mourir seule. Il m’est, une fois, arrivé de pleurer sans savoir pourquoi, en regardant un documentaire sur des personnes mortes seules. J’avais la conviction que je pouvais tout faire en comptant sur moi-même et que j’étais un être humain qui pouvait vivre seul – mais je ne pouvais plus ignorer cette peur de partir seule. Le film vient de cette réflexion : “si l’idée de mourir seule est si horrible pour moi, alors je ne devrais pas dire que je vais bien toute seule”.

Il y a une tension dans Aloners qui est pourtant un film calme et silencieux. Comment avez-vous travaillé sur cette tension particulière pendant l’écriture et la mise en scène du film ?

Je pense que les gens ressentent une peur très particulière lorsqu’ils réalisent que ce qu’ils pensaient connaître s’avère finalement différent – ce qui est bien différent d’expérimenter des choses auxquelles ils n’ont encore jamais été confrontés. Jina croit bien connaître ce monde, elle croit savoir comment vivre. Par conséquent, j’ai essayé de capturer ce moment précis où elle se retrouve confrontée à cet autre côté du monde qu’elle pensait connaître par cœur.

Comment avez-vous collaboré avec votre actrice Gong Seung-yeon, qui est incroyable dans la peau d’un personnage exprimant très peu ses sentiments ?

C’est une grande chance pour moi. Geong Seung-yeon a déjà travaillé pour la télévision mais pas tant que cela au cinéma. Alors je la connaissais assez peu. Mais j’ai su par des amis qu’elle était intéressée à l’idée de jouer pour le cinéma. Je l’ai rencontrée sans idée claire derrière la tête, mais quand je l’ai vue, l’idée que nous pouvions créer Jina ensemble m’est immédiatement venue à l’esprit.

Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?

C’est toujours difficile de choisir un nom, j’admire de nombreux cinéastes. Quand je préparais Aloners, j’ai beaucoup regardé les films d’Alfonso Cuaron et Steve McQueen.

Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose d’inédit, de découvrir un nouveau talent ?

Il fut un temps où j’étudiais des classiques seule alors que je n’étais pas encore diplômée. C’est ainsi que j’ai vu L’Homme à la caméra de Dziga Vertov. J’ai l’impression d’avoir un regard frais quand je vois des films des premières années du cinéma – lorsque les cinéastes explorent les possibilités du cinéma et des caméras. J’aime particulièrement ce moment où se composent la grammaire du langage cinématographique et la structure d’un plan qui à l’époque étaient encore inédites. Je réponds un peu à côté de votre question mais j’ai l’impression de voir quelque chose de neuf quand je regarde des classiques où l’on peut sentir un amour véritable pour le cinéma et les caméras.

Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 27 octobre 2021. Un grand merci à Jin Park.

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