Autoportrait de l’ancien danseur et artiste pluridisciplinaire Giovanni Bucchieri.
100 Seasons
Suède, 2023
De Giovanni Bucchieri
Durée : 1h41
Sortie : –
Note :
A LA FOLIE PAS DU TOUT
« Je me sens bien » répète Giovanni Bucchieri devant son miroir. A l’aide d’un rétroprojecteur, le mur de sa cuisine bordelique accueille des images de son âge d’or, alors qu’il était un danseur classique à succès. Il réussit à reproduire la moindre pirouette de mémoire, mais contrairement à ces vidéos d’époque captées dans des hauts lieux de culture, on dirait bien qu’il n’y a plus personne aujourd’hui pour l’applaudir ou même le voir. A quel degré Giovanni en a-t-il conscience ou accepte-t-il la situation ? Il a beau répéter intensément « Je me sens bien » à son reflet, cela sonne un peu plus faux à chaque fois.
Réalisé et interprété par Bucchieri lui-même, 100 Seasons est un inclassable autoportrait mosaïque mélangeant documentaire et fiction, images publiques et privées, passées et présentes. Porté par un lyrisme sans garde-fou, le résultat est d’une intimité à vif qui rappelle les films d’une autre cinéaste suédoise, Anna Odell (The Reunion, X&Y). Dans cet ensemble parfois épuisant mais souvent puissant, Bucchieri apparait comme un génie largué, éprouvé par la difficulté à tourner la page du passé. Il n’est portant pas l’unique personnage de 100 Seasons.
En parallèle des scènes de fiction drôles ou cruelles où il ne se filme pas sous son jour le plus flatteur, Bucchieri met également en scène l’actrice Louise Peterhoff dans son propre rôle. Ces deux personnages évoluent chacun de leur côté dans leur propre récit et ne se rencontrent presque pas, si ce n’est sous la forme d’images documentaires qui viennent régulièrement interrompre le fil de la fiction. En effet, ces authentiques images d’archives intimes nous font comprendre que dans la vraie vie, ces deux-là vécurent un amour fou il y a 100 saisons de cela, c’est à dire 25 ans.
Le surgissement du réel qu’apportent ces images documentaires crée un authentique vertige, et chaque nouveau plongeon que le film refait dans la fiction devient plus amer. L’arrogance de ces deux ados aux portes de la célébrité y laisse place à une solitude adulte sans porte de sortie. Le va-et-vient est parfois répétitif mais il est surtout très poignant dans sa manière de dépeindre le sentiment de malédiction de ces ex-amoureux incapables d’avancer l’un sans l’autre. D’une impudeur que tout le monde ne trouvera pas aisément digérable, 100 Seasons est un intrigant labyrinthe narratif qui mérite qu’on vienne s’y perde.
| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |
par Gregory Coutaut