Berlinale 2023 : nos 10 courts métrages préférés

La 73e édition de la Berlinale s’est achevée ce weekend et vous avez pu la suivre quotidiennement sur Le Polyester. Après notre bilan de cette riche édition, nous vous proposons un tour d’horizon de 10 coups de cœur parmi les courts métrages sélectionnés cette année au festival.


8, Anaïs-Tohé Commaret (France)
L’histoire : Dans les immeubles d’une banlieue française, des jeunes rêvent d’argent et de réussite. Leurs souhaits finissent par obstruer les conduits d’aération, jusqu’à ce que tout autour d’eux commence à suinter.
Pourquoi on l’aime : Voilà un poignant tour de passe-passe – cela commencerait presque comme un portrait social et mélancolique, mais ça se termine en film de fantômes lumineux venus du futur. Avec des images au beau grain vaporeux, la réalisatrice d’origine franco-chilienne Anaïs-Tohé Commaret transforme les désirs d’avenir de ses personnages solitaires en portes ouvertes vers une autre dimension.


A Kind of Testament, Stephen Vuillemin (France)
L’histoire : Une jeune femme découvre des films d’animation sur Internet qui ont visiblement été créés à partir de ses propres selfies. Ceux-ci ont été conçus par une mystérieuse homonyme. L’image de la jeune femme y a été utilisée pour des visions poétiques et morbides.
Pourquoi on l’aime : Des fleurs, du rose, du jaune et du rouge rayonnants, mais on sent pourtant une menace qui vibre, un malaise derrière la musique synthétique et les premières images de A Kind of Testament. Les films animés commentés par la narratrice, sont-ils une menace ? Une prophétie ? L’expression d’un dédoublement ? Ce film incroyable est peuplé de visions aussi violentes que perturbantes.


Aaaah !, Osman Cerfon (France)
L’histoire : Aaaah ! c’est des cris de douleur, la surprise, l’effroi, la joie, des chants, des râles, des rires, la colère. Aaaah ! c’est l’expression avec laquelle les enfants, ces êtres primaires et innocents, font l’expérience de la vie en collectivité, bien encadrés par les coups de sifflets des adultes.
Pourquoi on l’aime : Dialogué exclusivement à base de aaaah, le film d’Osman Cerfon (révélé avec Je sors acheter des cigarettes) pourrait être d’une simple et pure jubilation absurde. Mais avec ce parti-pris et son traitement visuel (« donner l’impression que les enfants sont sur le point d’exploser »), le court traduit également une angoisse et une brutalité incontrôlables, propres à l’école et à l’enfance.


All Tomorrow’s Parties, Zhang Dalei (Chine)
L’histoire : Chine, au lendemain des Jeux Asiatiques de 1990. Une projection de cinéma a lieu à l’usine le soir. Une employée distribue les billets pour la séance, tandis qu’un poète timide attend quelqu’un.
Pourquoi on l’aime : Comme dans son précédent court primé à la Berlinale (l’émouvant Day is Done, sur la dernière visite à un grand-père malade), le Chinois Zhang Dalei décrit avec un minimalisme élégant la mélancolie du lendemain et de ce qui disparaît. Ici, c’est la vie quotidienne qui reprend son cours après les Jeux Asiatiques de 1990. On y reconnaît notamment Zhou Xun, l’actrice entre autres de Suzhou River.


Daughter and Son, Cheng Yu (Chine)
L’histoire : Sachiko et Ming vivent ensemble, peut-être sont-ils en couple. Ils discutent de choses de tous les jours, endossent des rôles différents et c’est ainsi qu’ils évoquent leur relation.
Pourquoi on l’aime : Ce mystérieux court métrage raconte les différents riens de personnages dont les liens demeurent flous. Les discussions sont chuchotées, sans affect. On regarde à travers la fenêtre « des choses qu’on ne pourrait imaginer ». Les protagonistes marchent à l’ombre des lumières nocturnes de la ville dans ce film qui, du soin apporté aux cadre aux variations lumineuses, est visuellement superbe.


Eeva, Lucija Mrzljak & Morten Tšinakov (Croatie/Estonie)
L’histoire : Il pleut à l’enterrement. Il y a beaucoup de pleurs, trop de vin et quelques rêves qui comblent les manques…
Pourquoi on l’aime : Est-ce une étrange rêverie ou un cauchemar entêtant ? Les émotions sont difficiles à déchiffrer sur les visages des protagonistes d’Eeva, qui ressemblent à des masques. Des masques à la fois grotesques et pudiques, dans ce film d’animation énigmatique, habité par une tristesse aussi magnétique que surréaliste.


The Fundraiser, Todd Field (Etats-Unis)
L’histoire : La cheffe d’orchestre Lydia Tár est conviée par sa conjointe à une mystérieuse soirée caritative dans un manoir isolé.
Pourquoi on l’aime : Moins qu’un film entièrement indépendant, ce court inédit où Cate Blanchett, Nina Hoss et Sophie Kauer reprennent leurs rôles de Tár se regarde davantage comme une excellente séquence bonus du long métrage. Les héroines y sont plongées dans un univers à la Eyes Wide Shut, film dans lequel Todd Field interprétait lui-même un musicien. Ce dernier a hélas confirmé que cette expérience en forme de clin d’oeil demeurera invisible suite à sa diffusion unique.


La Herida luminosa, Christian Avilés (Espagne)
L’histoire : Poussés par leur désir de lumière et de chaleur, des adolescents britanniques font un voyage aux Baléares. Ils doivent absorber le soleil et le stocker dans leur corps afin de le ramener dans leur royaume couvert de nuages.
Pourquoi on l’aime : A partir du phénomène dit du balconing, Christian Avilés signe un film hypnotique, aussi doux que lugubre. Cette blessure lumineuse évoque à la fois la mélancolie fluo de Spring Breakers, la summertime sadness de Lana Del Rey et la chaleur étrange d’un Virgil Vernier. Une nouvelle révélation du jeune cinéma espagnol.


Jill, Uncredited, Anthony Ing (Royaume-Uni)
L’histoire : Au début, vous ne la remarquez même pas, elle est juste là parmi les autres. Mais, petit à petit, vous commencez à prendre conscience d’elle et de sa présence spéciale. En tant que figurante, Jill Goldston a travaillé sur d’innombrables films. Ce collage de cinquante ans d’Histoire du cinéma et de la télévision lui rend hommage.
Pourquoi on l’aime : C’est d’abord une idée géniale – Jill, Uncredited est un montage de 1001 apparitions d’une figurante à l’écran. Le temps d’un arrêt sur image ou d’un ralenti, l’œil d’Ing s’attarde sur elle. Mais est-elle une simple figurante, ou un fantôme omniprésent ? Un même personnage qui traverse l’Histoire du cinéma ? Est-elle juste… elle-même, une femme restée au second plan toute sa vie ? Le résultat est aussi ludique que profondément émouvant.


The Veiled City, Natalie Cubides-Brady (Royaume-Uni)
L’histoire : 1952, Londres est engloutie dans le Grand Smog. En raison de l’industrialisation, un brouillard de plomb s’est installé sur toute la ville. Les images d’archives de cette période se transforment en lettres sur un avenir désolé.
Pourquoi on l’aime : Constitué d’images d’archives du Grand Smog qui a envahi Londres il y a 70 ans, The Veiled City est un étrange voyage dans une science-fiction apocalyptique. La Britannique Natalie Cubides-Brady signe un fascinant conte lointain et hanté qui vient nous parler du présent et du futur.


Dossier réalisé par Nicolas Bardot et Gregory Coutaut le 1er mars 2023.

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