Festival de Locarno | Critique : By the Stream

Maîtresse de conférences, Jeonim demande à son oncle de mettre en scène un spectacle monté par son département. Elle se rend chaque jour au ruisseau voisin pour tenter d’en dessiner les motifs. Le souvenir d’une mise en scène que celui-ci a faite dans la même université 40 ans plus tôt convainc son oncle d’accepter.

By the Stream
Corée du Sud, 2024
De Hong Sangsoo

Durée : 1h51

Sortie : –

Note :

DES RONDS DANS L’EAU

La filmographie de Hong Sangsoo se trouve-t-elle à un tournant ? Nous posions déjà la question l’an dernier face au clivant in water, où le flou délibéré des images venait apporter un coup de neuf inattendu à l’œuvre homogène du cinéaste. Il est encore trop tôt répondre à cette interrogation avec le recul suffisant, et Hong Sangsoo continue d’enchainer les films avec la régularité d’un torrent, mais il est vrai que ses toutes dernières œuvres (in water inclus) avaient tendance à osciller vers les extrêmes, pour le meilleur ou pour le pire. Si l’hilarant A Traveler’s Needs offre une nouvelle réunion au sommet avec Isabelle Huppert, il y a de quoi se sentir plus frustré par les récits alambiqués de De nos jours… et By the Stream. Dévoilé cette semaine en compétition au Festival de Locarno, ce dernier possède les mêmes ingrédients que toutes les autres miniatures du réalisateur. Or il s’en dégage par moments quelque chose que les nombreux admirateurs du maître n’ont que très rarement ressenti devant son œuvre : de l’ennui.

By the Stream s’attache à deux groupes de personnages. Il y a d’un côté les protagonistes récurrent d’Hong Sangsoo, une fois de plus solidement interprétés par sa troupe habituelle. Il y a le professeur vénéré mais marginal, l’ancienne élève devenue femme ou encore l’admiratrice excentrique portée sur la bouteille. Ces retrouvailles tourneront peut-être un jour à la redondance, mais en 33 longs métrages, Hong Sangsoo s’est paradoxalement montré maitre dans l’art d’éviter la redite. Les scènes attendues de repas très arrosés où l’on échange sur l’art pour mieux cacher ses fêlures, où l’on se complimente avec excès jusqu’au malaise passif-agressif sont une nouvelle réussite où brillent encore des dialogues incisifs et absurdes à la fois (« Je n’ai aucun passe-temps hormis boire et manger »). Voilà pour le groupe des adultes. En parallèle, By the Stream raconte aussi l’histoire d’une petite bande d’étudiantes en théâtre qui s’apprêtent à jouer une pièce justement écrite par ces adultes. Ce postulat rivettien a de quoi intriguer, mais c’est là que l’inspiration d’Hong Sangsoo semble bizarrement se tarir.

Jeonim (interprétée par Kim Min-hee), aime à aller trouver l’inspiration artistique près d’un ruisseau voisin. C’est de là que le film tire ce titre évoquant bien des cartes postales convenues de quiétude asiatique. Or ce semi-marécage bétonné et noyé sous les bruits de travaux n’a rien d’un jardin zen. Attention aux clichés et formules toutes faites nous prévient-on : l’inspiration n’est pas une fontaine magique où il suffit d’aller puiser à sa guise. Telle est la leçon qu’adultes et étudiants vont devoir tirer de leur incapacité à se comprendre mutuellement. Mais c’est aussi, ironiquement, un reproche que l’on pourrait faire au film dans son ensemble : situé à cheval sur un terrain familier et quelque chose de nouveau, By the Stream possède des qualités mais peine à garder l’équilibre pour se maintenir parmi les aboutissements les plus poétiques d’Hong Sang Soo.

par Gregory Coutaut

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