Entretien avec Kirsten Lepore

L’Américaine Kirsten Lepore a été particulièrement remarquée avec Hi Stranger, court métrage hypnotique à la fois terriblement bienveillant et distillant un curieux malaise. Dans Hi Stranger, une étrange créature cul nu engage la conversation avec le spectateur – et elle ne lui veut que du bien. devenu viral, le film a été vu des centaines de millions de fois en ligne. Mais ce n’est pas le seul fait d’armes de cette jeune réalisatrice très singulière et au talent ultra-prometteur. Rencontre !

 

Quel a été le point de départ d’un film aussi inhabituel que Hi Stranger ?

Je sortais d’un projet qui s’est étalé sur une année assez intensive et j’étais épuisée, mais je devais créer un film pour la seconde édition du Late Night Work Club. La film est en fait le fruit d’un épuisement créatif, d’une année de thérapie et de pratique de la méditation et d’un amour à la fois pour les vidéos d’ASMR et les fesses bien rondes. C’est littéralement une version de moi-même sans genre distinct qui me livre à des confidences sur l’oreiller avec le public.

Hi, Stranger est devenu viral et a été vu pratiquement 2.5 millions de fois sur votre page Vimeo – ce qui peut être surprenant pour un film pas si mainstream ! Quelle a été votre réaction à ce succès ?

Le film était également sur Youtube (et remis en ligne par d’autres pages) et a même été vue plus de 200 millions de fois sur des pages de memes de Facebook. Ma vidéo originale sur Vimeo est néanmoins celle pour laquelle j’ai fait le plus de promotion car j’adore Vimeo et je savais que cela offrait les meilleures conditions pour présenter le film. Honnêtement, j’ai été stupéfaite (et excitée) par le succès que Hi, Stranger a rencontré en ligne. Il m’a semblé que le film avait éveillé un intérêt moindre en festivals, mais quelque chose s’est vraiment passé avec les spectateurs sur internet. J’ai trouvé ça super cool !

Qu’est-ce que la technique du stop-motion a de si spécial pour vous ?

Je pense qu’il y a quelque chose de magique qui a lieu lorsque des spectateurs regardent un personnage en stop-motion, parce qu’on a bel et bien le sentiment qu’on regarde un objet avec une présence qui existe quelque part dans le monde réel. Si j’avais fait un film comme Hi, Stranger en images de synthèse, il n’aurait pas créé le même sentiment d’intimité avec le public. J’adore le stop-motion également parce que j’ai le sentiment qu’il reste encore beaucoup de territoires inexplorés dans cette technique. Encore aujourd’hui, je continue d’expérimenter et de découvrir de nouvelles choses.

Comment vous êtes-vous retrouvée impliquée dans 100 Years, qui est d’une tonalité bien différente ?

Je suis arrivée sur le projet lorsque j’ai rencontré Lena Dunham lors d’une fête de remise de prix à Sundance. C’était en fait assez fortuit – nous nous sommes retrouvées à discuter et elle a mentionné qu’elle avait en tête un projet en stop-motion et j’étais là : “Oh… et bien je suis réalisatrice de films en stop-motion !”. Et c’était le point de départ.

Il y a souvent un sentiment d’inconfort dans vos films, mélangé à une douceur (comme dans Hi, Stranger) ou du surréalisme (comme dans Story From North America). Est-ce que de ce sentiment d’inconfort que découlent vos films ?

Créer délibérément un sentiment d’inconfort ne constitue jamais un point de départ pour moi, ce que j’aime avant tout c’est de jouer avec le ton et les normes et matière de réalisation. Je pense que créer quelque chose (qu’il s’agisse de l’histoire, de l’esthétique, du ton) qui aurait déjà été fait avant est complètement ennuyeux, du coup je fais tout mon possible pour qu’au moins certains aspects de mon travail aient l’air différents, et si possible neufs.

Par ailleurs, j’ai toujours chéri et cultivé mon côté weirdo, bizarre, depuis toute petite – j’ai toujours eu la conviction que le status quo et la normalité étaient ennuyeux. Cela s’exprime tout naturellement dans mes films, et c’est je pense un atout. Je recommande à chacun de garder le contact avec son côté bizarre dans ce que cela peut avoir d’unique.

D’où viennent vos influences, qu’il s’agisse de cinéma d’animation ou de films en général?

Je ne suis pas si inspirée par le cinéma d’animation, beaucoup plus par les films en prises de vue réelles et les choses qui n’ont rien à voir avec l’animation. Je tire énormément d’inspiration du design, de l’illustration, de la comédie, des clips musicaux, de la danse, de l’artisanat, de la musique.

Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf au cinéma ou de découvrir un nouveau talent ?

Le dernier film que j’ai vu et qui m’a vraiment inspirée est 2001 : l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick. Je ne l’avais encore jamais vu et j’ai eu l’occasion de le découvrir en version 700mm dans un cinéma de quartier. C’était hallucinant et la première chose que j’ai eu envie de faire en sortant était un long métrage.

Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 9 mai 2018.

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