Festival de Poitiers 2024 : nos 8 courts métrages préférés

La 47e édition du Festival de Poitiers, dédié aux films d’écoles et à la jeune création internationale, s’est achevée ce vendredi. Outre un focus sur la nouvelle génération de réalisatrices lituaniennes (qui fut l’occasion de voir ou revoir avec plaisir les longs métrages Toxic, Slow ou encore Vesper Chronicles), ce sont bien sûr les courts métrages qui ont composé la très grande majorité de la sélection, avec certains dont nous vous disions déjà beaucoup de bien tels Cura sana ou Soleil gris. Nous vous proposons ici 8 nouveaux coups de cœur parmi les 37 courts qui composaient cette année une compétition internationale de haute tenue.



• Au 8e jour, de Flavie Carin, Elise Debruyne, Théo Duhautois, Alicia Massez et Agathe Sénéchal (France)
L’histoire : Il a fallu 7 jours pour créer le monde, il n’en aura fallu qu’un pour bouleverser son équilibre.
Pourquoi on l’aime : En huit minutes muettes, cette parabole écologique marie harmonieusement des contraires forts : fin du monde et promenade émerveillée, gigantismes des paysages et nanoscopie de l’ADN, numérique pharaonique et stop motion en laine fragile. Le résultat rappelle autant des classiques de l’animation jeune public que les documentaires en glaise de Rithy Panh ou les clips de Björk période Biophilia.



• Beutset (Aurore), d’Alicia Mendy (Suisse/Sénégal)
L’histoire : Lorsqu’un parasite contamine l’eau potable de Dakar, des pilules sont créées pour le neutraliser. N’ayant plus les moyens de se les procurer, Alioune est exposé aux symptômes de la maladie.
Pourquoi on l’aime : En combinant, dans un premier degré galvanisant, l’énergie contagieuse de chorégraphies et la transposition inattendue de figures de la science-fiction, cette fable confirme la puissance narrative et politique du mouvement afrofuturiste contemporain. Une nouvelle réussite au catalogue de Sudu Connexion.



• Bunnyhood, de Mansi Maheshwari (Royaume-Uni)
L’histoire : « Maman ne me mentirait jamais, pas vrai ? » L’innocent.e Bobby découvre la réponse à cette question après un séjour surprise à l’hôpital.
Pourquoi on l’aime : La relation ridiculement névrosée que Maman entretien avec le corps de son enfant ado transforme une simple opération d’appendicite en cauchemar bouffon plein de lapins. Le récit tout en impasses idiotes et la rage amusée du trait de crayon punk composent une vignette malpolie (et donc tout à fait sympathique) sur la famille et « l’intérêt de l’enfant ».



• De gallo que ovavit, de Nina Forsman (Finlande)
L’histoire : Qui de l’œuf… ou du coq ? Troublante question pour l’esprit humain depuis l’Antiquité. Le 4 août 1474, un coq pondeur d’œufs a été exécuté sur la place publique à Bâle.
Pourquoi on l’aime : Faisant mine de nous faire suivre une enquête sur un fait divers proprement improbable à base de coq maudit, ce court en forme de charade propose en réalité un kaléidoscope d’images d’archives qui sont toutes réelles et toutes des fausses pistes à la fois. Une manière ludique de réenvisager l’écriture documentaire, qui place l’absurdité en aussi haute estime que le réel.



• El mártir, dAlenjandro Mathe (Allemagne/Espagne)
L’histoire : L’obsession d’un jeune homme pour la figure à demi–nue de Jésus-Christ le conduit sur une pente glissante d’autodestruction et de tendance masochiste.
Pourquoi on l’aime : En lui remettant le Grand Prix de cette édition, le jury a comparé ce récit d’apprentissage gay entre grâce et supplice à Pasolini et Guiraudie. On pourrait également citer João Pedro Rodrigues ou le Bruno Dumont des débuts comme échos cinéphiles à ce récit flamboyant et brutal (les personnes sensibles à l’automutilation méritent d’être averties) dont la mise en scène ne manque ni de souffle ni d’ambition.



• No People Found, de Jakub Gomolka (Pologne)
L’histoire : Quand Ada rentre chez elle à l’aube, elle comprend que la rupture est actée, et que son compagnon, même s’il vit toujours avec elle, il est déjà ailleurs. Prise d’un désir soudain, la jeune femme revient vers lui une dernière fois.
Pourquoi on l’aime : Certains films n’envisagent la mise en scène que comme illustration d’un scénario, mais en un bref enchainement de plans de quelques secondes à peine, No People Found fait preuve d’un puissant style visuel qui n’a pas besoin de moteur supplémentaire pour véhiculer sa poésie triste. Cet entêtant rébus sur un espace domestique devenu une cellule anxiogène évoque une rencontre inattendue entre Akerman et Żuławski.



• Toto, de Claudia Bochniak (Pologne)
L’histoire : Toto le tigre s’échappe du cirque local et crée la panique dans la région. Une jeune fille d’une ville voisine décide de sortir de chez elle malgré tout.
Pourquoi on l’aime : En six petites minutes quasi muettes, cet ambitieux court animé compose une mosaïque de pictogrammes qui transforment l’espace public en parcours du combattant pour son héroïne. L’imprévisibilité des formes fait de ce visionnage une perte de repères à la fois ludique et nerveuse, riche de niveaux de lecture. Prix Découverte de la Critique Française.



• Trouble, de Sarah Blok (Royaume-Uni)
L’histoire : Deux frères d’une vingtaine d’années s’efforcent composent avec les dysfonctionnements de leurs parents divorcés, jusqu’au jour où maman s’incruste au barbecue d’anniversaire de papa.
Pourquoi on l’aime : Nouvel exemple de la jeune génération britannique qui se réapproprie le cinéma social national en y transposant de nouveaux codes narratifs, Sarah Blok rappelle sa compatriote Ayo Akingbade (Jitterbug) en parvenant elle aussi à utiliser pleinement la direction artistique comme outil narratif majeur pour évoquer entre les lignes des tensions intimes et raciales. Le résultat est sans doute le film le plus immédiatement émouvant de cette sélection.


Gregory Coutaut

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