La Chinoise Shengze Zhu s’est distinguée notamment avec Present. Perfect., qui a été sacré au Festival de Rotterdam en 2019 avant d’être montré en France à Cinéma du Réel. Son nouveau documentaire, A River Runs, Turns, Erases, Replaces, raconte le Wuhan post-covid, dans un vaste lieu qui revit mais qui est habité par ses fantômes : de ceux qui ont disparu, de ce que la ville a été. Ce film poétique, profondément bouleversant, est une des pépites de cette édition du festival. Nous sommes allés à la rencontre de la cinéaste.
Quel fut le point de départ de A River Runs, Turns, Erases, Replaces ?
J’ai commencé à penser à ce film durant l’été 2016. Au départ, c’est un sentiment d’éloignement m’a poussée à me lancer dans ce projet. J’ai quitté Wuhan en 2010 et depuis, à chaque fois que j’y reviens, j’ai l’impression que la ville est devenue de plus en plus méconnaissable. Mon objectif initial était de faire un film sur l’évolution ultrarapide de ce paysage urbain et de voir comment les résidents faisaient face à la transformation. Je souhaitais soulever la question de comment une telle échelle de développement sans précédent peut nous faire sentir minuscule et aliéné.
D’où viennent les messages et courriers qui apparaissent à l’écran ?
Certains ont été écrits par des amis à moi, ou bien des amis d’amis, et d’autres ont été écrits par des gens dont j’ai fait la connaissance sur internet. Quoi qu’il en soit, toutes ces lettres sont basées sur les vraies vies de celles et ceux qui les ont écrites. La plupart du temps, j’ai cité ces textes tels quels, mais parfois j’y ai aussi intercalé mon propre point de vue et mes propres interprétations. Au final, ces textes sont donc devenus comme mes propres lettres adressées à la ville.
Selon quels critères avez-vous sélectionné les différents lieux de tournage à Wuhan?
Tous les lieux que l’on voit dans le film se trouvent le long du fleuve parce que je me sens très attachée au Yangzi, c’est une partie intégrante de ma mémoire. Au début, je me contentais d’utiliser les applis de plans dans mon téléphone, parce que je voulais vraiment visiter le plus d’endroits que possible, et en particulier les endroits qui ne m’étaient pas du tout familiers. Puis, peu à peu, j’ai réalisé que ce qui m’intéressait le plus, c’était les espaces transitoires : des lieux qui sont soit sur le point de disparaître, soit sur le point de changer. Dès ce moment-là, j’ai donc visité beaucoup de chantiers de construction et de bâtiments en ruines.
Quel.le.s sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent?
Il y a beaucoup de cinéastes qui m’inspirent de différentes façons. Néanmoins, en ce qui concerne ce film, j’ai principalement puisé mon inspiration chez Chantal Akerman, James Benning et Peter Hutton.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 11 mars 2021. Un grand merci à Gloria Zerbinati.
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