Festival Biarritz Amérique Latine | Entretien avec Leonardo Martinelli

Alerte merveille : Fantasma Neon du Brésilien Leonardo Martinelli est un film musical et hanté sur le quotidien de livreurs. Ce court métrage, primé à Locarno et sélectionné cette semaine en compétition au Festival Biarritz Amérique Latine, détourne les clichés du film social et il est visuellement flamboyant. Une nouvelle excellente pioche du nouveau cinéma brésilien… Leonardo Martinelli est notre invité.


Quel a été le point de départ de Fantasma Neon ?

Même avant la pandémie, les livreurs souffraient déjà de leurs conditions de travail précaires au Brésil. Le Covid a aggravé radicalement cette situation. Notre point de départ, c’était de faire un film hybride qui traite de ces problèmes tout en nous basant sur les contrastes que le cinéma musical peut créer.



Pouvez-vous à ce sujet nous en dire davantage sur votre utilisation de chansons, de musiques et de danses dans votre film ?

Les compositions sont signées par un duo très talentueux originaire de Rio, Carol Maia et José Miguel Brasil. Je me suis occupé des paroles avec Ayssa Yamaguti Norek, qui a également produit le film. Tous les quatre, nous nous rencontrions une fois par semaine pour discuter des références et de notre approche dans la construction musicale du film. De mon côté j’apportais ma participation concernant la construction cinématographique des scènes musicales, tandis que les compositeurs proposaient des approches basées sur les références que nous avons explorées.

Nous avons également fait des essais avec l’acteur Dennis Pinheiro pour tester des façons de chanter et sa palette vocale, qui est allée au-delà de ce que nous pouvions imaginer. En parallèle, Ayssa et moi-même avons passé des nuits à penser aux paroles et à une manière d’enrichir l’univers narratif et musical du film. Les chorégraphies ont été réalisées par la géniale Soraya Bastos. L’intention dans l’utilisation de la musique, du chant et de la danse dans le chaos qu’est la vie des livreurs, c’était d’illustrer un choc et un contraste entre la réalité complètement insensée et le fantasme que permet le cinéma.



Fantasma Neon est esthétiquement superbe. Comment avez-vous approché le style visuel pour raconter cette histoire en particulier ?

J’ai la conviction qu’il est possible de faire un film qui traite de problèmes réalistes, politiques du monde contemporain, tout en ayant une mise en scène stylisée. Avec cette idée en tête, notre directeur de la photographie Felipe Quintelas et moi-même nous sommes demandé comment rapprocher des vieilles rues de Rio de Janeiro ces personnages appartenant au monde moderne. Chaque construction architecturale dans la ville nous montre une juxtaposition de réalités. C’est ce que nous avons essayé d’explorer à travers la mise en scène, tout en soulignant ces problèmes.



Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?

Nous avons tenté d’analyser ce qui constitue l’esthétique et l’énergie des comédies musicales classiques de l’âge d’or hollywoodien, ainsi que des approches plus alternatives comme celles de Jacques Demy ou Bob Fosse. En même temps, nous recherchions également des références venant de la musique brésilienne classique, qui a quelque chose de très narratif. Des œuvres telles que Construção de Chico Buarque, Estudando o Samba de Tom Zé et Stone Flower de Tom Jobim.

L’objectif était d’aborder le style du cinéma musical classique d’une manière originale, tout en subvertissant ses structures et en utilisant des chansons appartenant à des genres brésiliens comme piliers structurels. C’est pourquoi le film cherche relier les genres musicaux qui vont du funk carioca, à la MPB en passant par la Bossa Nova. Dennis Pinheiro incarne ce personnage de la comédie musicale classique qui se bat pour une vie meilleure. Cependant, la réalité de notre pays est différente de celle d’Hollywood, et c’est ce que le film cherche à transmettre.



Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent ?

J’ai eu la chance de pouvoir regarder la sélection complète des courts métrages du Festival de Locarno 2021, et j’ai ressenti cela à plusieurs reprises. Des récits novateurs, avec des mélanges audacieux de genre et de format. Les Démons de Dorothy d’Alexis Langlois (lire notre entretien), Happiness is a Journey de Ivete Lucas et Patrick Bresnan, Fou de Bassan de Yann Gonzalez sont quelques uns qui me viennent à l’esprit parmi cette sélection étonnante. Je crois que les courts métrages peuvent être un format capable de subvertir de nombreuses structures du langage cinématographique et d’apporter des approches innovantes. En outre, il peut également être une plateforme pour les nouveaux talents et les cinéastes des régions périphériques.



Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 18 septembre 2021.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

Partagez cet article