Couronné cet été au Festival FID Marseille puis sélectionné à Busan, Haruhara San’s Recorder est une ambitieuse miniature dont la grâce et l’aura sont magiques. C’est l’histoire simple d’une femme qui arrive dans un appartement. La mise en scène élégante du Japonais Kyoshi Sugita laisse place au mystère et aux énigmes. A l’occasion de la sélection du film cette semaine à Entrevues Belfort, le cinéaste est notre invité.
Quel a été le point de départ de Haruhara San’s Recorder ?
Le point de départ du film a été l’actrice Chika Araki, à qui j’ai proposé le projet après une lourde opération qu’elle a subie à la mâchoire. Comme pour célébrer son rétablissement. Quand je réfléchissais au genre de film que je pourrais faire avec elle, j’ai intuitivement songé à un tanka de la poétesse Naoko Higashi. Il y a beaucoup de mystères dans le tanka, et j’imaginais qu’il y avait un film à faire en allant vers ce mystère.
Comment avez-vous abordé l’écriture d’une telle histoire sans réel antagonisme et sans élément dramatique spectaculaire ?
Penser à l’univers ou, par exemple, à l’eau qui remplit la tasse devant moi sur la table de la cuisine, c’est le même principe pour moi, et c’est assez intéressant. Depuis mon enfance, je crois avoir la capacité de profiter simplement des merveilles qui m’entourent, qu’il s’agisse d’événements ou de choses anodines, et je pense que le que le film parle de cela.
La mise en scène de Haruhara San’s Recorder est très sensorielle, et elle a quelque chose de presque magique. Comment avez-vous travaillé cette esthétique très élégante et délicate ?
J’ai réalisé chaque scène avec l’espoir que quelque chose de beau allait naître. La présence de la directrice de la photographie Yukiko Iioka a été absolument nécessaire pour moi afin de capturer le temps par la mise en scène. Elle sait instinctivement où se tenir pour le saisir. Cela peut être comparable, par exemple, à un chasseur qui installe un piège dans les bois. Elle a la capacité d’être sûre qu’elle peut attraper une proie en la reniflant, en l’écoutant et en la piégeant. À première vue, personne d’autre ne sait pourquoi elle a mis le piège là. Ma plus grande tâche en tant que réalisateur est de décider avec qui travailler. Une fois que j’ai fait ma part, ce sont mes amis qui apportent la touche finale.
Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?
Plus jeune, j’étais obsédé par les films de cinéastes comme Paul Verhoeven, John Carpenter et Tobe Hooper. Ils ont en commun d’avoir fait profondément le portrait du mystère de l’existence humaine. Puis, en grandissant, cela a été formidable de découvrir les films de Tsai Ming Liang, Hou Hsiao Hsien et Edward Yang.
Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent ?
Ce n’est pas un nouveau talent à proprement parler mais les films de Ryusuke Hamaguchi me donnent toujours un sentiment de nouveauté. Et c’est une nouveauté sans cesse renouvelée, particulièrement dans son film Wheel of Fortune and Fantasy, qui est très intéressant. Il y a aussi La Jeune fille et l’araignée de Ramon et Silvan Zürcher, que j’ai vu l’autre jour au Festival de New York, et qui est vraiment formidable, j’ai été impressionné. Au-delà du cinéma, mon enfant de 3 ans s’est récemment et régulièrement mis à danser – et ça m’inspire à chaque fois que ça arrive.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 8 octobre 2021.
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