Festival Entrevues Belfort | Critique : Haruhara San’s Recorder

Une jeune femme prend possession d’un appartement et salue sur son seuil le précédent locataire qui choisit de partir sans laisser d’adresse.

Haruhara San’s Recorder
Japon, 2021
De Kyoshi Sugita

Durée : 2h00

Sortie : –

Note :

PLEIN LES YEUX

Grand Prix au FIDMarseille, Haruhara San’s Recorder débute littéralement dans les fleurs de cerisier, mais le film n’est pourtant pas une carte postale du Japon. Kyoshi Sugita (lire notre entretien) raconte le quotidien d’une héroïne sans histoire, dans un film sans antagonismes, sans rebondissements. De cette soustraction naît une invitation à observer, ou plutôt contempler. On admire beaucoup dans Haruhara San’s Recorder : les fleurs donc, mais aussi les lacs, les nuages, les images projetées sur une façade. Kyoshi Sugita saisit des beautés simples sans en faire des chromos pittoresques.

Il y en a pour tous les sens dans le long métrage ; il y a ce qu’on voit certes, mais aussi ce qu’on entend : la mélodie des cigales, la clochette discrète au balcon. On ressent autant que les protagonistes la brise qui soulève un rideau, qui agite les branches. Par la délicatesse et l’élégance de ses cadres, Sugita fait un cinéma ultra-sensoriel, en trois dimensions, où la délicieuse langueur traverse l’écran. Et lorsque l’héroïne fait une sieste dans son bain, on a l’impression de s’assoupir avec elle.

Le personnage principal de Haruhara San’s Recorder a toujours l’air un peu ailleurs et Sugita parvient avec finesse à construire un lien intime avec cette héroïne secrète. Car si le film ne montre que des non-événements, enchaine des scènes anodines où des jeunes femmes jouent au ballon ou croquent dans un dorayaki, Haruhara est aussi une histoire de présences fantomatiques, de traumas devinés. L’épure laisse de la place au mystère, aux énigmes : « nous restons tous des énigmes jusqu’à la fin de notre vie » commente le cinéaste. Les protagonistes parlent de lieux mythiques habités par des divinités, tandis qu’ils marchent et cherchent à plusieurs reprises leur chemin : des histoires simples à l’ombre des dieux mais qui, sous l’œil de Sugita, ont une grâce et une aura magiques.

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par Nicolas Bardot

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