Critique : Yannick

En pleine représentation de la pièce « Le Cocu », un très mauvais boulevard, Yannick se lève et interrompt le spectacle pour reprendre la soirée en main…

Yannick
France, 2023
De Quentin Dupieux

Durée : 1h07

Sortie : 02/08/2023

Note :

TOUS EN SCENE

Mais où ce film va-t-il bien pouvoir aller ? C’est l’une des questions les plus excitantes qu’on peut se poser dans une salle de cinéma – c’est une question que l’on se pose devant pratiquement tous les films de Quentin Dupieux. Mais où peut bien aller cette histoire de pneu tueur ? Cette quête du cri parfait pour un tournage de film d’horreur ? Cette histoire de mouche géante apprivoisée, ou encore celle d’une maison magique ? Fumer fait tousser, son précédent long métrage, multipliait cette interrogation en autant de contes déroutants. C’est une question qui se pose à nouveau dans Yannick, mais dans un décor et des termes plus réalistes : où peut bien aller cette histoire de spectateur qui se permet d’interrompre une pièce pour partager son mécontentement ?

Yannick assiste à un mauvais boulevard et ne desserre pas la mâchoire. Il se lève et dit à haute voix le fond de sa pensée. Il est là debout, dans la salle de théâtre, face aux comédiens, mais il ressemble comme deux gouttes d’eau à un troll sur internet, essayant de faire passer un avis arbitraire pour une critique constructive, déguisant une agression en opinion. Quentin Dupieux sait écrire la folie de manière efficace : on ne sait jamais vraiment jusqu’où peut aller le personnage. Le résultat, imprévisible, est à la fois inquiétant et jubilatoire.

Il y a dans Yannick quelque chose de typique du cinéma de Dupieux et qui est poussé ici à son paroxysme : c’est le point de rencontre entre le rire et la terreur. S’il est aujourd’hui davantage identifié comme un réalisateur de comédies, le cinéaste a d’abord souvent eu sa place dans des festivals dédiés au cinéma fantastique. C’est aussi là l’une des vertus évidentes du cinéaste chez qui l’on ne sait jamais vraiment sur quel pied danser : rit-on vraiment ou rit-on jaune devant ce boulevard épuisé ? Est-ce un sourire ou un rictus qui répond aux questions de Yannick, arme (ou jouet?) à la main ? Le film fait du va-et-vient du rire au malaise avec habileté.

Habile, Dupieux l’est aussi pour mettre en scène cet espace clos et dépouillé avec dynamisme. Il l’est aussi, mais on le savait déjà, dans sa direction d’acteurs. Qui dans le cinéma français, outre François Ozon, peut obtenir autant de la part d’acteurs qu’on croit déjà connaître par cœur ? Cette remarque s’applique également à ceux que l’on connaît moins : dans le rôle principal, Raphaël Quenard (qu’on a aperçu dans Mandibules et Fumer fait tousser) brille avec ce rôle de gars à la fois lunaire et familier, sensible et menaçant.

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par Nicolas Bardot

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