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Donghwa, un poète d’une trentaine d’années, conduit sa petite amie Junhee, avec qui il est depuis 3 ans, hors de Séoul. Ensemble, ils se rendent à chez les parents de Donghwa, à l’extérieur d’Icheon.
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What Does That Nature Say to You
Corée du Sud, 2025
De Hong Sangsoo
Durée : 1h48
Sortie : prochainement
Note :
IL EN FAUT PEU POUR ÊTRE (MAL)HEUREUX
Donghwa et Junhee sont en couple depuis trois ans, néanmoins les parents de cette dernière ne connaissent pas encore son petit ami. Mais le père de Junhee n’est pas un papa comme les autres : c’est un papa cool. Il ne se formalise pas en rencontrant enfin son beau-fils : « qui suit encore ces traditions aujourd’hui ? ». Donghwa, un poète qui a une trentaine d’années, découvre l’héritage familial de sa belle-famille qui reste d’abord hors du cadre, hors de notre vision : une grande maison sur une colline, qui possède sa propre légende. Toute cette exposition est presque trop belle pour être vraie.
Assez vite, ledit papa cool trouve particulièrement saugrenu que son beau-fils conduise une vieille bagnole et ne possède pas une belle voiture toute neuve. Ce pourrait être anecdotique mais c’est finalement au cœur de ce long métrage, et ce de manière surprenante : What Does that Nature Say to You traite de rapports de classe, soit un thème relativement rare (inédit ?) dans le cinéma sensible de Hong Sangsoo. Même enrobés par une blague, même excusés par l’alcool, ces rapports s’avèrent violents, habités par une méchanceté impitoyable qui est comme un coup d’enclume sur les héros fragiles du cinéaste.
Ce regard neuf s’invite dans l’univers familier de Hong Sangsoo (discussions, amour, art, bouffe, alcool). Donghwa est un poète comme bien d’autres protagonistes de Hong – la poésie occupait une place centrale dans le tout récent La Voyageuse, actuellement en salles et Grand Prix à la Berlinale l’an passé. Quelle vision offre t-elle du monde ? On regarde beaucoup dans What Does that Nature Say to You, et on regarde avec plaisir : une belle maison donc, mais aussi un temple, une pagode, un arbre, le soleil – attendez, la lune est encore plus belle. « Une vie à poursuivre la beauté » est la chose la plus enviable ; cela semble tomber sous le sens, ça n’est évident ni pour tous les personnages, ni pour le monde en général.
Comment savoir ? Chez Hong Sangsoo et dans ce film en particulier, même le fait de dire « je ne sais pas » est soumis au doute. C’est juste que tout n’est pas explicable, tout n’est pas compréhensible dans le monde. Hong traite de questions existentielles avec humilité, mais c’est précisément cette humilité qui permet de les approcher au plus près, avec la plus grande intimité. Comment recevoir la sagesse de ce qui nous entoure, une sagesse qui ne se trouverait pas seulement dans les livres ? En regardant les fleurs, en en tirant un enseignement poétique. En regardant le monde un peu flou, en acceptant de ne pas le voir si net : « ça ne me gêne pas si ma vision est un peu floue ».
« Nous sommes condamnés à ne jamais savoir », entend-on dans What Does that Nature Say to You. Pourtant, au bord de la nature ou auprès d’une bouteille bientôt vide, les personnages contemplent et épluchent le sens de l’existence. Certains, pétris de certitudes, n’y voient finalement rien, d’autres, habités par l’indécision, voient un peu plus clair – c’est leur poésie sans doute. Une fois de plus, le casting de Hong Sangsoo est le cœur battant du long métrage – avec une mention spéciale à Cho Yunhee dans le rôle de la mère qui, mine de rien, est une irrésistible voleuse de scènes.
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par Nicolas Bardot