A voir en ligne | Critique : Un soupçon d’amour

Geneviève Garland, une célèbre comédienne, répète « Andromaque » de Racine, avec pour partenaire, son mari André. Elle ressent un malaise profond à interpréter ce personnage et cède son rôle à son amie Isabelle qui est aussi la maîtresse de son époux. Geneviève s’en va avec son fils malade dans son village natal. Elle semble fuir certaines réalités difficiles à admettre.

Un soupçon d’amour
France, 2020
De Paul Vecchiali

Durée : 1h32

Sortie : 09/09/2020

Note :

FEU D’ARTIFICES

Si l’imposante filmographie (50 ans de cinéma l’an prochain !) de Paul Vecchiali est trop longtemps demeurée dans les marges, sa carrière d’auteur et de metteur en scène de théâtre est peut-être encore moins connue. L’art de la scène est partout dans son dernier film, Un soupçon d’amour, qu’il annonce avec un point d’interrogation comme l’ultime de sa vie. Les protagonistes sont comédiens, mais une fois la scène quittée, ils demeurent dans un simili-vaudeville: l’épouse, le mari, la maitresse, et hop, que chacun se pousse dans les bras l’un de l’autre. Vecchiali prend un plaisir légèrement moqueur mais bienveillant à mettre en parallèle le sérieux qu’ils ont à répéter Andromaque et la fantaisie de ce marivaudage un peu toc.

Il y a un panache admirable dans la posture de Vecchiali, vieux monsieur de 90 ans et toujours d’une classe folle, devenu à force de marginalité le plus punk des cinéastes français. Après avoir signé certains des mélos ou films queers les plus injustement oubliés du cinéma français (il faut revoir Encore, son incroyable film chanté sur le sida), il tourne aujourd’hui un film par an en catimini dans son village, ignoré des systèmes de production classique. Surtout, il envoie désormais paître sans ménagement les conventions cinématographiques et les règles d’une mise en scène lisse. Les raccords cartoonesques, les zooms improbables, les coups de théâtre et la direction lunaire de certains seconds rôles… tout cela n’arrange pas le coté très artificiel de ce petit théâtre tordu, mais si cela a l’air d’être amateur, c’est moins par naïveté que par rébellion. Et qui est plus rebelle que Vecchiali?

Surtout, au moment de se recentrer sur ses personnages féminins, au moment d’obtenir de ses actrices des performances bouleversantes, Vecchiali n’a plus besoin d’artifice, et fait souvent mouche. Au milieu de tout ce drôle d’équilibre, Marianne Basler, collaboratrice de longue date, offre une incroyable performance. Il y a une énergie et une émotion très particulière à la voir aussi charismatique et généreuse dans ses échanges aussi bien avec des partenaires professionnels ou amateurs. Elle donne peu à peu une épaisseur et une tristesse inattendue à Geneviève, héroïne de boulevard sui devient tragédienne sous nos yeux. C’est à travers elle que se dévoile alors l’ironie du titre, et la gravité du film. Ce soupçon d’amour, c’est soudain le sérieux derrière la farce, le vertige derrière le masque toc.


>>> Un soupçon d’amour est visible en vod sur UniversCiné

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Gregory Coutaut

Partagez cet article