Deux amantes vivant sur une île déserte. Elles ne peuvent compter que l’une sur l’autre tandis qu’un danger rôde…
Splendid Isolation
Pays-Bas, 2022
De Urszula Antoniak
Durée : 1h16
Sortie : –
Note :
UNE ESPIONNE DANS LA MAISON DE L’AMOUR
On ne saurait trop dire exactement si Splendid Isolation se déroule dans un lieu paradisiaque ou cauchemardesque. Sur une plage immense qu’on devine se trouver en Europe du nord, mais qui pourrait tout aussi bien être une île déserte dans une autre dimension, deux femmes sont seules face au silence, sous un ciel gris-blanc. L’eau qui s’étend semble-t-il à l’infini face à elles a beau être peu profonde, l’un d’entre elles s’y allonge jusqu’à avoir son visage immergé. S’agit-il d’une tentative de suicide vague et bizarre ou d’une partie de cache cache absurde?
Ce que ces deux femmes font ici, qui elles sont et comment elles sont arrivées, nous ne le saurons pas. Depuis son premier film Nothing Personal ou le glaçant Code Blue (présenté à la Quinzaine des réalisateurs en 2011), la réalisatrice néerlandaise d’origine polonaise Urszula Antoniak a montré qu’elle avait un goût contagieux pour le mystère, et chez elle le mystère est à la fois magnétique et délicat. Ces deux femmes se retrouvent seule aux monde dans un paysage où « tout le monde est parti » (encore un mystère) et se comportent l’une avec l’autre avec l’intimité d’un couple. Là encore, cela n’a pas besoin de mots, ou même de dialogues, pour le souligner. De bruissements à la surface de l’eau en ellipses entêtantes, Splendid Isolation est à plus d’un titre un film dont le fantastique est à la fois économe et aérien.
Le précieux climat d’étrangeté de ce drame minimaliste provient non pas de l’inclusion d’éléments extérieurs, mais justement des pièces que la cinéaste laisse élégamment hors du puzzle. Les deux protagonistes s’installent dans une maison abandonnée. A l’intérieur, elles découvrent qu’elles sont filmées par des caméras de surveillance et un mystérieux drone. Mais qui les regarde? La réponse pourrait bien être : personne. Nouvelles locataires sans surveillance, elles se retrouvent malgré elles dans la situation fantasmée de bien des couples : être littéralement seules au monde. Mais peut-on exister sans le regard d’autrui ? A l’abri des regards, c’est comme si elles ne savaient plus vraiment comment se comporter, tantôt comme des enfants joueurs, tantôt comme des adultes sévères.
Urszula Antoniak dit s’être inspirée de l’état d’isolement physique et mental dont elle a fait l’expérience pendant le confinement, et plus précisément de la peur de perdre sa compagne. Splendid Isolation propose une science-fiction triste, souvent froide, qui rappelle l’ambiance de certains épisodes de Black Mirror, mais qui laisse suffisamment de place à la chair pour demeurer humain et poignant. Il y a là un équilibre bizarre et émouvant à la fois. Ce n’est pas le genre de film dont le propos se laisse aisément définir, et ce n’est pas la moindre de ses richesses.
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par Gregory Coutaut