Berlinale | Critique : Sons

Eva, gardienne de prison exemplaire, fait face à un véritable dilemme lorsqu’un jeune homme de son passé est transféré dans l’établissement pénitentiaire où elle travaille. Sans dévoiler son secret, Eva sollicite sa mutation dans l’unité du jeune homme, réputée comme la plus violente de la prison. Les valeurs et le sens moral d’Eva sont mis à rude épreuve…

Sons
Danemark, 2024
De Gustav Möller

Durée : 1h40

Sortie : 10/07/2024

Note :

FEMME EN CAGE

Le cinéaste danois Gustav Möller s’était fait très remarquer en 2018 avec son film précédent, The Guilty, au pont d’être immédiatement remaké par Hollywood. On aurait justement pu craindre que le cinéaste soit entièrement happé par les studios américains et que son savoir-faire se retrouve relégué à des sous-projets anonymes et des franchises à la chaine, mais c’est dans son Danemark natal qu’on le retrouve aujourd’hui, avec qui plus est une star nationale dans le rôle principal, la grande Sidse Babett Knudsen. The Guilty se déroulait intégralement dans le bureau d’un commissariat et Sons propose cette fois un autre huis-clos, situé presque intégralement entre les quatre murs d’une prison.

Eva est gardienne de prison. C’est une matonne polie , respectueuse et respectée, se comportant tantôt comme une prof ou une maman pour les prisonniers qu’elle réveille d’un doux « vous avez bien dormi cette nuit ? ». Eva a l’air faite pour ce job et cette foire à la testostérone. C’est d’ailleurs ce qu’elle croit elle-même, du moins jusqu’à l’arrivée d’un nouveau détenu. Qui est ce jeune inconnu qu’on enferme directement dans le département haute sécurité ? Le film a l’intelligence de ne pas nous le reveler trop tôt (ni trop tard d’ailleurs). Sous son masque calme et professionnel, Eva est d’abord légèrement troublée, puis méga troublée, puis bouillant carrément d’une mystérieuse rage qu’elle peine à contenir. Poussée par on ne sait quel désir, elle demande sa mutation pour qu’ait lieu le face-à-face.

Sons n’est pas basé sur un scénario aussi high concept que The Guilty (qui se déroulait intégralement au téléphone) mais il possède davantage de profondeur, et pas beaucoup moins de suspens. Car sur le papier, quoi de plus binaire qu’un film de prison? Dedans/dehors, gardien/détenu, femme/homme, adulte/ado… il y a plein de pièges binaires qui guettaient dans ce récit de rapport de force tordu, mais Sons parvient à slalomer entre eux avec une justesse très efficace. L’écriture de Gustav Müller trouve un équilibre particulièrement fluide entre drame humain et tension brutale, tout en parvenant à maintenir la passionnante ambiguïté de ses personnages. Quant à Sidse Babett Knudsen, une nouvelle fois au sommet, elle apporte un relief poignant à ce personnage de femme à la fois tortionnaire et torturée.

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par Gregory Coutaut

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