Festival du Caire | Critique : Sisterhood

L’amitié de deux adolescentes est menacée lorsqu’elles doivent faire face aux conséquences cruelles de leur comportement manipulateur.

Sisterhood
Macédoine du Nord, 2021
De Dina Duma

Durée : 1h30

Sortie : –

Note :

LA TÊTE SOUS L’EAU

Jana et Maya sont meilleures amies. Toutes deux membres d’une équipe de natation, on les découvre au bord de gorges (qui ressemblent à un magnifique fjord), se mettant au défi mutuellement d’oser sauter dans la rivière en contrebas. « Arrête de faire l’enfant » jappe la plus autoritaire des deux. Mais peu importe leur décision, et peu importe qu’elles se trouvent sur terre ou dans l’eau : dans la société macédonienne comme ailleurs, les jeunes filles n’ont pas d’autre choix que de grandir la tête sous l’eau.

L’horizon de Jana et Maya est aussi restreint pour elles que pour tout le monde dans leur génération. Ce n’est pas une mère paumée ou un père lâche qui va leur arracher autre chose que des yeux levés au ciel ou un doigt d’honneur. Leur quotidien est fait de cours ennuyeux ou de soirées étudiantes (retranscrites ici via des images brut tournées directement par téléphone) où l’on se vomit à moitié dessus, et où l’on charrie lourdement ceux qui tentent de s’isoler discrètement dans la chambre. La chambre, voilà d’ailleurs leur unique horizon, mais attention sur le chemin : éviter de devenir aux yeux de tous la fille facile ou la coincée de service se révèle un parcours du combattant.

Ce combat, Jana et Maya pourraient le mener ensemble, mais leur relation contient déjà son lot de tension, de ressentiment et de fierté ravalée, à tel point qu’on ne sait plus très bien si elles s’adorent où se détestent, si elles sont amies ou bel et bien sœurs ennemies. De prime abord, Sisterhood a l’air d’un récit d’apprentissage tel qu’on en croise très régulièrement au cinéma, mais le film puise sa personnalité en plusieurs endroits : la photo superbe et chaleureuse, la qualité des interprètes (dont c’est ici pourtant le tout premier film), et surtout un ton plein de cruauté intranquille au moment de dépeindre avec finesse une émancipation féminine en forme de lutte dont aucune ne sort réellement gagnante. Derrière de sages abords, Sisterhood est un film amer qui montre les crocs, tant mieux.

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par Gregory Coutaut

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