Inde, 1962. Dans la luxueuse maison familiale d’un officier de police, Shankar est un homme à tout faire indispensable. Il noue une relation étroite avec la fille de son maître, à qui il aime raconter des histoires.
Shankar’s Fairies
Inde, 2021
De Irfana Majumdar
Durée : 1h33
Sortie : –
Note :
BONNE FÉE
Au petit matin, alors que la rosée n’est pas encore évaporée, un homme à l’élégance discrète salue les domestiques puis inspecte le jardin avec l’œil et l’assurance du propriétaire. Shankar n’est pourtant pas le maître des lieux, il est l’homme à tout faire de la maison. Tandis que le vrai maitre s’emploie à faire régner l’ordre dans les rangs de la police, et que son épouse est occupée à être mollement condescendante, c’est Shankar qui s’occupe avec soin du moindre petit détail. C’est également lui qui s’occupe de raconter des histoires merveilleuses à la fille de ses maîtres.
La fillette a les questions naïves de son âge, auxquelles aucun adulte ne souhaite répondre : c’est quoi le gouvernement, c’est quoi les castes. La réalisatrice indienne Irfana Majumdar (lire notre entretien) parvient à souligner ces silences-là avec suffisamment de sobriété pour éviter trop de didactisme. L’action se déroule en 1962. Cela nous permet de découvrir une classe bourgeoise telle qu’on l’a peu vue sur nos écrans. Cela permet également au film de parler en filigrane des remous qui agitent la société indienne de l’époque.
Dans ce jardin familial, paradisiaque (on se demanderait presque si les couleurs sont saturées ou juste naturelles), on ne croise que des paons et des policiers. La violence extérieure n’est qu’une ombre entraperçue à travers les plantes, un simple murmure de la radio par dessus lequel on fredonne. Avec une sobriété élégante qui déjoue toute forme de pittoresque, Shankar’s Fairies met l’accent sur quelque chose de pourtant difficile à mettre en scène : la torpeur, l’indifférence, une volonté de ne pas voir les problèmes en face et de les maintenir hors-champ.
Le film n’a peut-être pas l’ambition de se placer parmi les récents succès les plus radicaux du cinéma d’auteur indien (citons entre autre Le Disciple ou Pebbles, respectivement primés à Venise et Rotterdam), et sa manière d’arrondir les angles finit par gommer un peu trop d’aspérités nécessaires. Mais c’est justement cette douceur qui lui donne également son charme distinctif et attachant.
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par Gregory Coutaut